THEORIE DES COHERENCES
ET VOCATION PROFESSIONNELLE
La vie professionnelle est pour beaucoup l'un des investissements majeurs de l'existence. Cependant le sens de cet investissement n'est pas toujours le même et parmi les alternatives les plus fondamentales figurent celles-ci :
La pression de nécessité immédiate ou la perspective d'une progression.
L'adoption par une structure ou l'initiative personnelle.
La maximalisation du gain ou la fécondité du travail.
Selon les cas la vie professionnelle est alors dominée par :
Les besoins ou les aspirations.
Le conformisme ou l'autonomie.
La spéculation ou le service.
Chaque logique va donner sa cohérence à toute une vie professionnelle et à ses péripéties depuis l'origine jusqu'à la retraite. Elle va aussi rendre la personne plus ou moins maîtresse de son parcours et la confronter d'une façon spécifique à des difficultés ou à des obstacles.
Par exemple, celui qui est plutôt dans une position de conformisme spéculateur aura plus de difficultés à se prendre en charge que celui qui cultive l'autonomie et le service. Celui qui est dominé par la pression de nécessité voit moins loin que celui qui chemine avec une ambition de progrès, un projet valorisant.
La Théorie des Cohérences montre ainsi le lien qu'il y a entre les motivations profondes (souvent inconscientes) et les logiques professionnelles engagées. Elle montre en outre qu'il s'agit toujours d'une position prise au plus profond de la personnalité et qui engage donc la personne, beaucoup plus quelquefois qu'on voudrait le croire.
C'est ainsi la première anthropologie (Théorie de la nature Humaine) qui permet de faire le lien entre les fondements de la personnalité et la notion de Vocation dont la vie professionnelle est souvent un des principaux modes d'accomplissement. On découvre ainsi le rapport qu'il peut y avoir entre talents et vocation, entre problématique personnelle (et quelquefois familiale) et compétence professionnelle.
Ces considérations fondamentales permettent de bâtir une véritable théorie de la Vocation personnelle mais aussi de comprendre quelles sont les étapes et les problèmes de la vie professionnelle.
C'est un second apport de la Théorie des Cohérences en la matière. Comme pour toutes les situations humaines individuelles ou collectives, on peut les envisager d'une façon statique ou dynamique.
Si on considère l'exercice d'une activité professionnelle comme un état alors les problèmes seront conçus comme des dysfonctionnements et les solutions comme un rétablissement.
Si on considère au contraire la vie professionnelle comme un parcours, une évolution, alors les problèmes sont des problèmes d'orientation et de bilans et les solutions sont des repérages et des voies de progression.
La Théorie des Cohérences met en évidence les lois naturelles de l'évolution humaine et des phénomènes humains avec leurs âges, leurs étapes, leurs phases de progression et leurs seuils de transition.
Pour la vie humaine trois cycles sont à considérer :
Le cycle de la génération
Le cycle de l'existence engagée
Le cycle du retrait.
Le second cycle comprend trois phases et quatre seuils dont l'équivalent se retrouve dans la vie professionnelle très souvent à des moments différents.
- Venue au monde Entrée dans la vie professionnelle
Enfance Apprentissages
- Adolescence Choix d'un but professionnel
Majorité Carrière
- Maîtrise Découverte d'une vocation Maturité Responsabilités
- Retrait Retraite
Dans le monde occidental l'évolution de la personne semble s'arrêter au seuil de l'âge adulte pour passer directement à un 3 âge assimilé au retrait des responsabilités socio-économiques. Le seuil de la maîtrise, introduisant à la maturité, est encore peu connu, peu étudié et en tout cas mal compris. Il correspond pourtant à des questionnements ou des "crises de la quarantaine", qui peuvent se manifester plus tôt ou bien plus tard, où un retour sur soi et sur le sens de son existence se produit souvent.
Dans la vie professionnelle on a peu à peu oublié qu'il se produit une telle évolution. Les faits existent mais ils ne sont pas observés ni traités dans cette perspective.
La Théorie des Cohérences éclaire et rétablit cette connaissance d'une évolution dont les phases sont plus ou moins longues, les seuils plus ou moins marqués de crises et dont le cycle naturel avorte trop souvent faute d'avoir correctement franchi les étapes ou se répète (voir annexe). C'est là d'ailleurs que se recoupent, d'une part, les dispositions de la personnalité et les motivations profondes qui donnent leur sens à la vie professionnelle et, d'autre part, la réussite ou l'échec d'une évolution naturelle.
De nombreuses difficultés ou blocages d'évolution proviennent d'une attitude profonde, d'un sens donné à la vie professionnelle qui n'est pas satisfaisant. En fait, ce n'est que lorsque le Sens de la vie professionnelle est celui même d'une vocation personnelle que l'évolution naturelle s'accomplit véritablement.
De ce fait, c'est toujours par une référence à la vocation personnelle, à repérer ou élucider, que pourraient se résoudre les problèmes d'orientation (aux carrefours que constituent les seuils de transition) et les problèmes d'évaluation et de stratégies de progression.
C'est là le troisième apport de la Théorie des Cohérences en la matière. grâce à des techniques tout à fait nouvelles de repérage, d'évaluation, de conception de stratégies, etc..., des méthodes d'aide à la résolution des problèmes d'évolution professionnelle sont développées, adaptées au type de problème: orientation ou bilan d'évaluation, et au niveau d'évolution où il se pose.
Il faudrait y rajouter les cycles antérieurs et postérieurs.
Le premier cycle de préparation à la vie professionnelle donnerait une approche nouvelle de l'éducation et de la formation professionnelle. Le troisième cycle de retrait de la vie professionnelle permettrait de mieux comprendre les rôles des retraités et leur nécessité dans la vie économique et sociale, toujours dans la perspective de l'accomplissement d'une vocation personnelle.
LA VIE PROFESSIONNELLE ET SON EVOLUTION
Schéma d'évolution : 2° Cycle de l'engagement professionnel
LA VIE PROFESSIONNELLE
SEUILS DE TRANSITION ET PHASES D'EVOLUTION
1 Seuil : L'Entrée dans la vie professionnelle
Le problème peut se présenter à plusieurs reprises, notamment à la suite d'avortement d'un parcours ou d'une changement résultant d'une impasse. Les difficultés actuelles, le chômage, et notamment le chômage des jeunes, rendent ce premier seuil souvent crucial.
La recherche d'emploi qui en est l'enjeu se présente comme un problème d'orientation qui nécessite un repérage en terme de métier. Ce que l'on peut recommander à ce propos c'est de l'envisager moins comme une place à solliciter que comme une proposition de service à offrir. Le repérage d'indicateurs d'une vocation permettra de déterminer l'offre de service la plus pertinente.
1 Phase : L'Apprentissage de la vie professionnelle
C'est le temps où l'on fait son expérience et où il s'agit de progresser en terme de compétence et de performance.
Dans cette période les capacités s'éprouvent et se mesurent aux enjeux et situations professionnelles concrètes. S'il n'y a pas le désir de progresser, il est vrai que cette phase peut conduire à une stagnation et pourquoi pas à une inadaptation.
Il faut savoir gérer cette phase et pour cela des bilans de compétences permettent les évaluations qualitatives et la mesure de l'évolution professionnelle.
Les entreprises pourraient plus systématiquement prendre en compte cette évolution nécessaire, que ce soit en terme d'apprentissage ou de possibilités d'évaluations.
Dans une perspective évolutive un bilan de compétence a comme intérêt de préparer une progression future et ici un parcours de formation-expérience.
2 Seuil : Choix d'un but professionnel
Il faut déjà avoir acquis certaines compétences pour pouvoir choisir un but professionnel propre. Un tel choix est acte d'autonomie qui se pose en termes de but, de projet professionnel.
C'est un carrefour où il faut se décider pour une carrière, une spécialité, une profession. C'est à nouveau un problème d'orientation. La solution est encore affaire de repérage d'une ambition réaliste et du chemin à prendre pour atteindre ses buts.
Ce seuil peut être mal franchi lorsque par exemple il est traversé par une velléité d'indépendance irréaliste (projets utopiques) ou par une tentative d'arriver avant d'en parcourir le chemin.
2 Phase : Développement de carrière
L'enjeu est la réussite en termes de statut, d'identité sociale. C'est la période où l'identification avec le statut professionnel est la plus sensible. Les signes d'identification sont particulièrement importants.
La carrière professionnelle est corrélative d'un développement personnel, d'un épanouissement de ses potentialités mais dont la réussite se lit en termes d'identité professionnelle et sociale.
C'est un temps où des bilans sont utiles, bilans de carrière pour évaluer son parcours et les positions acquises. Là encore un tel bilan de carrière doit permettre les ajustements de position professionnelle et l'acquisition des moyens (références, modèles, etc...) de parachever au mieux la carrière entreprise.Il y a souvent problème lorsque cette phase n'est pas maîtrisée et que l'identification devient confusion sinon aliénation.
On trouve des gens "coincés" dans leur carrière ou tout d'un coup "remis en question" faute d'en avoir assumé le développement et l'appropriation.
Les rails conduisent souvent à des voies de garages qui pour certains sont l'anticipation prématurée de la retraite.
3 Seuil : Découverte d'une vocation
Il s'agit d'un autre carrefour qui normalement se présente alors que tout semble réussir ou en tout cas que semble joué l'avenir professionnel.
Un retour sur le passé, sur le chemin parcouru, sur la perspective d'une vie déjà bien avancée, s'accompagne d'interrogations sur le sens de sa vie professionnelle. La compétence, la carrière ne suffisent plus à combler les aspirations d'autant plus qu'elles prennent une forme plus profonde, plus intime, plus personnelle. A quoi tout cela sert-il? Quelle véritable maîtrise a-t-on de son existence? De telles questions renvoient à un problème d'orientation plus essentiel celui-là. C'est le temps de comprendre l'originalité d'une vocation personnelle qui éclaire le passé et qui engage l'avenir. Le repérage de cette ligne générale est celui du Sens et de la valeur d'une vie professionnelle où le meilleur de soi se découvre comme l'axe d'un "faire profession de soi".
S'il est atteint sans avortement prématuré de l'accomplissement professionnel, ce seuil de la maîtrise peut encore être l'enjeu d'égarement et de crise (crise dite de la quarantaine). S'il est convenablement franchi avec le discernement d'une vocation profonde dont les phases antérieures ont été les prémisses alors peut être abordée correctement la troisième phase.
3 Phase : L'Age des responsabilités
Ce qui importe alors c'est le plein exercice d'une autorité que confère une maîtrise professionnelle. Il ne s'agit plus de technicité ou de spécialité mais d'une expertise dont le rôle est avant tout social. Le rôle d'autorité responsable est un rôle de réfèrent, de repère, de conduite des affaires communes. L'enjeu en est le service de la communauté. Qu'elles soient modestes ou plus en vue, au sein d'organisations et d'entreprises, ou à la tête de celles-ci, les positions de responsabilité sont en prise avec l'évolution de la communauté. C'est là que s'accomplit véritablement une vocation personnelle, à la fois dans la pleine maîtrise de ses moyens, mais aussi dans la mission de servir qu'elle implique.
Cette phase est ainsi celle de l'accomplissement de l'oeuvre à laquelle peut mener une vie professionnelle. Là encore un bilan peut être utile pour ajuster vocation et mission de service, pour donner à l'exercice d'une maîtrise toute sa portée sociale.
Cette troisième et dernière phase de la vie professionnelle peut encore rencontrer des difficultés qui incitent au repli prématuré ou à des prétentions démesurées. Elles proviendront le plus souvent d'une évolution antérieure mal maîtrisée et peuvent se traduire par des échecs amers.
4 Seuil : La Retraite
Il s'agit encore d'un passage mais celui de la sortie de la vie professionnelle autrement dit de l'abandon des fonctions de responsabilité et d'autorité. C'est encore un problème d'orientation qui se pose où reste à repérer le sens d'une activité non professionnellement engagée mais néanmoins utile. La fonction sociale et même économique des aînés se fait plus bénévole, plus disponible encore faut-il que ces phases ultérieures aient un sens. Le sens de la retraite ou du retrait est aussi bien relatif au passé qu'à l'avenir. Un repérage est encore utile qu'il soit en termes de succession, de transmission ou même de perspective personnelle, familiale, etc...
Roger NIFLE Janvier 1991