SENS ET COHERENCES HUMAINES
©Roger NIFLE

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INTERNET, LA CULTURE DU VIRTUEL

Roger NIFLE Décembre 1996




Pour beaucoup Internet est un réseau de télécommunication caractéristique d'une société de l'information, annoncée par le développement de la télématique. Il n'en est alors qu'une sorte de développement anarchique dont on peut craindre une dégradation dans la fiabilité de l'information et la sécurité de ce qui y circule. C'est un argument courant qui ne s'appuie que sur la matérialité du réseau.

Pour d'autres, Internet c'est le multimedia, le media qui supporte ou va supporter toutes les formes de communications. C'est en définitive un nouveau support qui réclame une nouvelle écriture médiatique que les professionnels de la communication vont devoir développer pour maîtriser le Web. Dans cette optique la libre expression de n'importe qui sur le web est vue comme un laxisme insupportable qui pollue le réseau comme la presse nous en a abondamment entretenu depuis des mois.

La réalité d'Internet est essentiellement autre. La nouveauté avec Internet c'est que tout ce qui s'y produit ne résulte que de l'expression de libres intentionalités humaines, de libres initiatives. C'est un tissu d'intentions humaines et pas seulement un réseau matériel de transmission et de communication.

Il faut pour cela la rencontre d'un moment de mutation historique où la responsabilité individuelle peut commencer à s'assumer, avec le développement de moyens techniques, individuellement maniables. Cette liberté fait très peur particulièrement au pays de la liberté qui se découvre d'une étonnante frilosité. Le phénomène Internet est là étonnement révélateur de l'état de nos sociétés.

C'est quelque chose de tout nouveau, à cette échelle, et qui remet sur le chantier la pensée politique, la pensée juridique, la pensée économique etc. non pour les annuler mais pour les faire progresser et sortir de leur endormissement.

Un monde fondé sur le tissu des intentions est un monde différencié selon les multiples intentions humaines avec tous les problèmes que cela soulève (inhérents à la problématique de la liberté et celle de la responsabilité humaine).

Un tel monde se nourrit de virtualités humaines, naît de Sens partagés et remet l'accessoire matériel à sa place. Par exemple on ne peut plus penser l'économie comme gestion de la pénurie ou de la rareté matérielle mais comme engagement de l'abondance des potentialités humaines, des richesses humaines.

Le Sens partagé lorsqu'il se trouve au principe du rassemblement des hommes les dispose dans une perspective, dans un engagement. Ils sont mis ainsi en disposition d'entreprises. Le lien social dès qu'il est reconnu comme constitué d'intentions partagées et un lien d'engagement mutuel dans un devenir commun, un lien de "concourance".

Bien sur il y a en l'homme toutes sortes de Sens qui supportent toutes sortes d'intentions. C'est le principe même de la liberté humaine. C'est celui de la responsabilité de renoncer à certains d'entre eux et de choisir ceux qui accomplissement l'homme.

Alors les intentions engagées sont vertueuses. Elles sont régies par des valeurs communes. Elles structurent les actions, favorisent les créations, développent les entreprises, accomplissent les virtualités humaines. On aura reconnu les caractéristiques de la culture du virtuel. En fait Internet est à la fois un révélateur et un support de réalisation de cette culture du virtuel.

Un tel discours paraîtra à beaucoup extravagant, un tel monde extraterrestre. Or, il ne s'agit que de repenser un monde humain, certes conditionné par les contingences qui sont les siennes mais engagé et dirigé par les intentions humaines.

Il s'agit de remettre la fatalité à sa place, les systèmes à la leur, c'est-à-dire celui de la contingence et non pas celui de la direction des affaires humaines comme on l'a fait. Il s'agit en quelque sorte de remettre l'homme sur ses pieds. Qu'y a-t-il de plus concret, de plus réaliste, de plus urgent ? Internet ce n'est pas le monde de l'abstraction qui se prépare mais celui où l'essentiel redevient le critère du concret et l'accessoire redevient secondaire. Par de nombreux aspects et malgré les déviances inhérentes à l'humain, c'est la dignité de l'homme qui se tisse sur la toile du web.

Il nous faut apprendre à le voir... et à le faire.

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