Pour redonner un Sens à l'avenir LE CHOIX DE L'HUMANISME MÉTHODOLOGIQUE Roger Nifle mars 2002 Texte provisoire
POURQUOI UN NOUVEL HUMANISME
L'EXTINCTION DES LUMIÈRES
Les clignotants de la crise, gyrophares de l'actualitéNous sommes dans une période qui se trouve confrontée à une mutation sans précédent. Depuis trente ans les crises succèdent aux crises, lourdes de menaces et aussi chargées d'espérances. La glaciation de la guerre froide a laissé la place à de nouvelles détentes entre les peuples. Une plus grande conscience de la dignité et du respect dus aux hommes permet aussi de mieux discerner ce qui y porte atteinte.
En même temps des conflits nationalistes, de nouveaux terrorismes, des génocides embrasent le monde. La richesse et les moyens technologiques n'ont jamais été aussi grands et la misère si criante.
En même temps encore émergent des phénomènes nouveaux, caractéristiques d'une mutation. D'un côté la "crise des représentations" rend bien des modèles et des références obsolètes et suscite crispations et désarrois. D'un autre côté une "crise de Sens" met tous les repères en concurrence. En même temps la perte de valeurs traditionnelles appelle à une nouvelle quête de Sens ouvrant à plus d'exigences, plus de responsabilités.
Enfin le phénomène d'Internet, symptomatique d'un mouvement d'ampleur mondiale qui remet en question la plupart des fondements de l'organisation de nos sociétés, ouvre à un foisonnement d'innovations, de créativité, d'initiatives, sans précédent. Il dessine de nouveaux rapports au monde et aux autres avec par exemple la notion d'espace virtuel. Ce phénomène en croissance rapide et ininterrompu est en même temps l'objet de toutes les suspicions, de toutes les incompréhensions, de toutes les récupérations. C'est là un symptôme de changement profond significatif. La mutation c'est encore le phénomène de mondialisation qui nous interpelle mais reste profondément incompris.
Nous vivons aussi un moment où des phénomènes humains de grande ampleur, comme ceux auxquels nous sommes confrontés à toutes les échelles de responsabilité, semblent échapper à l'entendement de nos civilisations multimillénaires. Des problèmes apparaissent nouveaux parce que les réponses anciennes sont impuissantes.
Par exemple comment articuler des nations souveraines à une Europe qui ait une véritable existence politique. Comment repenser le rapport des nations aux communautés territoriales ou d'autres natures qui les habitent? Comment associer l'unité et la diversité des communautés humaines? Comment se constitue une communauté cohérente et responsable de personnes libres et autonomes?
La pensée de communautés humaines intégrant l'aspiration à la liberté et l'autonomie semble défaillir. On recherche des valeurs, une éthique qui serait partagée par tous mais on se heurte aux limites et même aux carences des humanismes traditionnels.
D'un côté un humanisme sentimental et émotionnel confit d'humanitaire se révèle attaché à une vision animaliste de l'homme et emporté bien vite par les passions les plus folles. Un regard sur l'histoire humaine et l'actualité est là pour l'attester.
D'un autre côté un humanisme de rejet de ce qu'il y aurait de mal humain en l'homme s'abîme dans des idéaux dont le Sens est perdu d'autant plus qu'ils ont été pris pour le Sens. Cet humanisme de la Raison souveraine et des droits de l'homme se révèle peu sensible à la souffrance humaine et peu capable de discerner les processus qui engagent les hommes et leur avenir. Le procédé de distanciation d'avec l'intime de l'homme le conduit trop souvent à faire abstraction de l'essentiel de l'humain au profit d'un accessoire idéalisé, l'idée de démocratie par exemple pendant que le génocide rwandais se préparait.
Enfin nous sommes témoins, en même temps que d'une certaine régression des humanismes classiques, de la montée d'un anti humanisme radical qu'ils n'ont guère la capacité de comprendre et à plus forte raison de combattre.
Glissements progressifs vers le pire, la déprise de conscience
L'antihumanisme radical emprunte des voies banales, séduisantes quelques fois. Il joue de certitudes absolues dont il barre l'accès au discernement ou à l'esprit critique. Son propos c'est d'abord de nier qu'il y ait en l'homme une nature humaine, une humanité qui lui soit propre. Cela est vite étayé par l'affirmation que les choses et les systèmes des choses sont la seule nature dont l'homme dérive entièrement. Il n'y aurait pas d'autre humanité que le produit des lois de la nature des choses.
En même temps les caractéristiques de l'humanité, dans la maîtrise des choses ou dans les oeuvres de civilisation sont dénoncées comme contre nature. Un idéal matériel de naturalité est posé pour stigmatiser son agression par les agissements humains qualifiés péjorativement d'anthropisation.
Des hommes de ce courant se font "accusateurs de l'homme". Un exemple tiré du compte rendu d'un rapport récent d'un organisme international désigne comme pollueur tout nouveau né à venir et, bien sur, s'insurge contre l'augmentation de la population humaine qui serait préjudiciable à la planète. Un "scientifique" vedette, présenté comme un grand humaniste dans un interview exprimait des positions de ce genre : "les hommes infestent la planète comme les requins la mer" et plus loin "la plus grande catastrophe arrivée à la terre c'est l'intelligence humaine".
Cet antihumanisme radical, théorique et pratique, avance au milieu d'un aveuglement lié aux défaillances des humanismes classiques mais aussi de toutes les sciences et philosophies sensées procurer les moyens de discernement et de critique qui seraient indispensables.
La déprise de conscience qui accompagne ce courant traverse au premier chef ceux qui en sont porteurs. Il affirme et témoigne d'une position, d'un jugement humain, d'une revendication de liberté de penser et d'agir dont ils nient par ailleurs la possibilité. La schizophrénie est la pathologie qui est devenue aujourd'hui la plus courante.
L'ouvrage de Jean Claude Guillebaud "Le principe d'humanité" éclaire d'une façon criante le phénomène, du moins au travers de quelques unes de ses manifestations actuelles. Il n'ouvre pas cependant de nouvelles perspectives, constatant l'effondrement des bases anciennes de notre civilisation et de son humanisme. Ils observe ainsi la réduction de l'homme à l'animal, à la machine, à une chose, à ses organes. La génétique et les technobiologies sont le support d'une spéculation qui élimine tout principe d'humanité. Il observe enfin ce qu'il appelle un "humanisme anthropophage" qui réussit l'exploit "d'abolir l'homme comme personne".
La roue de l'infortune, carnaval de l'impossible
Aujourd'hui nombreux sont ceux qui vivent avec inquiétude ce moment de mutation. Inquiétés par les uns, dotés de moyens devenus défaillants, ils cherchent entre le retrait et l'engagement, entre le détachement et la remise en question, entre le refuge dans les anciennes réponses et l'aventure qui semble à nouveau possible. Certains cherchent aussi à reconstituer un humanisme pour notre temps mais en même temps sont dépourvus de moyens qui changent quoi que ce soit à leurs pratiques, à leurs méthodes, d'autant plus qu'elles sont professionnalisées.
Le recours naïf à des incantations ou à des procédés immatures est tellement courant que l'observateur peut se demander à juste titre si on n'assiste pas à un effondrement généralisé de la maturité humaine.
Devant ce tableau que faire :
- Avoir recours toujours aux modèles que l'on sait ou devine impuissants ?
- Se replier dans le pathos schizophrénique dont l'opinion publique est malignement entretenue et dont les modèles intellectuels font assaut de séduction ?
- Regarder ailleurs et surtout quelque miroir complaisant?
UNE NOUVELLE POSITION HUMAINE, L'HUMANISME RADICAL
avec la théorie du Sens et des Cohérences Humaines
LA LUMIÈRE DE L'HOMME
Une fenêtre dans la brume, l'humanité de l'hommeLa proposition d'un humanisme méthodologique est une alternative, radicale, tant pour comprendre ce qui se produit que pour entreprendre un autre versant de l'aventure humaine, à la portée de chacun, mais ouvrant à des horizons et à des moyens sans précédents. C'est à cela aussi que la mutation de l'humanité nous invite.
Un moment privilégié
Un certain regard porté sur le monde d'aujourd'hui laisse apparaître l'extraordinaire aventure qu'est une nouvelle mutation de l'humanité. Un nouveau stade de civilisation humaine commence à s'ouvrir dans lequel la compréhension de l'humanité de l'homme est en passe de se renouveler.
On peut le comprendre simultanément comme l'accès à un autre niveau ou un autre type de conscience et donc de connaissance. Du même coup nous accédons à une conception de l'homme et de son évolution qui éclaire à la fois le moment que nous vivons, les perspectives qui s'ouvrent mais aussi tous ce qui se joue ou s'est joué précédemment dans l'histoire humaine.
On peut associer en effet un nouveau niveau de conscience avec une nouvelle vision de l'homme et une compréhension plus éclairée des phénomènes humains. Par exemple nous pouvons mieux comprendre que nous traversons précisément un seuil de maturescence.
C'est ce qui explique la crise des représentations. Ce seuil de mutation remet en question un stade d'évolution humaine où la maîtrise des représentations mentales du monde, avec l'aide de la raison, avait été un grand progrès que certains ont d'ailleurs assimilé à une ère des lumières. Cependant on a aussi cru volontiers que ce stade d'évolution était indépassable jusqu'à ériger la Raison en divinité dans le pays le plus rationaliste qui soit.
La crise des représentations n'y est que plus douloureuse et provoque régressions, fuite en avant et crispation sur des lumières devenues aveugles à ce qui les dépasse et s'abîment en résistances imprécatoires.La crise de maturescence ouvre à un âge de maturité dont le paysage, les enjeux, les pratiques, les mondes que nous allons commencer à vivre sont très différents de ce que l'on a connu, surtout parce que notre regard sur l'homme et le monde va changer mais également les pratiques et les activités humaines. Elles ne vont pas éliminer ce qui a existé mais le dépasser, le relativiser donc, comme à chaque fois que l'homme avance d'un nouveau pas.
A titre d'illustration le philosophe Michel Serres parle d'hominescence. C'est pour lui l'émergence de l'homme à son humanité, ce qui n'était donc pas antérieurement. Il l'illustre notamment par la disparition d'un monde très animaliste qu'il a connu dans son enfance mais surtout par la découverte de la naissance d'un monde qui se révèle humain de part en part, d'essence humaine même s'il consentait à envisager une telle essence. "Le virtuel est la chair de l'homme" déclare-t-il. Sait-il que la racine indo européenne WIR de virtuel veut dire homme, comme dans valeur, vertu, viril, virtuose... et qu'elle est aussi racine des mots anglo saxons World et Welt (wier old ou Wier alt, âge d'homme).
La mondialisation qu'il analyse, comme le suggère la langue par ses détours, est-elle émergence d'un âge d'homme ?
En tout cas une chose est sure c'est qu'il est temps de reprendre maintenant une question trop délaissée depuis longtemps, qu'est-ce que l'homme, qu'est ce que l'humanité, quel rapport avec le monde, quel est le Sens de notre existence celui donc de l'idée de progrès ou de projet.
Toutes ces questions, radicales, sont celles d'une anthropologie fondamentale.
Férus d'antihumanisme radical des hommes ont fait de cette question une affaire sans intérêt, insensée même. Les humanismes classiques ne l'ont pas vu venir et ne se sont pas attaché à renouveler pour notre temps la question de l'homme et de son humanité. Trop ont considéré la question comme résolue dans le passé, se contentant d'y renvoyer ou de reproduire les réponses, souvent dans un langage vide de Sens pour le temps d'aujourd'hui mais chargé d'appels incantatoires.Nous réserverons une place à la question des religions dans ce contexte. Elles participent tant aux émergences qu'à leur refoulement.
Les propositions d'une anthropologie fondamentale renouvelée.
La vérité est dans la racine, et elle est humaine
La théorie du Sens et des Cohérences Humaines, élaborée par l'auteur, constitue les bases d'une anthropologie radicale. Anthropologie fondamentale d'abord parce qu'elle pousse aussi loin que possible toutes les questions de l'humain, essentielles ou triviales et débouche sur une conception qui permet une relecture du connu comme elle ouvre sur de nouveaux paysages humains. Elle offre ainsi de nouvelles compréhensions des phénomènes humains, débouche sur de nouvelles questions et invite à de nouvelles pratiques.
Elle n'ignore pas que d'autres conceptions de l'homme ont éclairé ses profondeurs et ses contingences mais elle apporte autre chose, un autre langage, d'autres concepts qui démontrent qu'un dépassement a pu être franchi. Elle ouvre ainsi, par le biais de l'exigence théorique, à une appropriation efficace par ceux qui veulent s'en saisir, l'éprouver et y trouver de nouveaux moyens pour l'accomplissement de l'humanité.
Cela n'exclue pas la possibilité de la persistance d'obscurités ou même d'erreurs que seule l'épreuve de confrontation à l'humanité pourra, s'il y a lieu, pointer et corriger.
Cette anthropologie n'annule pas évidemment toute connaissance savante ou empirique des questions humaines mais elle invite à les relire et les inscrire dans une cohérence qui manquait cruellement dans le temps présent.
Cette anthropologie fondamentale relève d'un humanisme radical, d'une part parce qu'elle replace l'homme au centre des affaires humaines, au coeur de toute approche possible des réalités, des ambitions ou des actions humaines mais encore parce qu'elle met en évidence, au coeur de l'homme, les racines de l'humanité et du monde de l'homme. Ces racines elle les désigne comme Sens. Les Sens sont, au coeur de l'homme, les racines des réalités humaines. Il faut évidemment dépasser une approche trop intuitive des questions de Sens et renouveler radicalement, on le comprend, le terme de Sens que l'on écrira avec un S majuscule.
Cette anthropologie découvre que le Sens (pluriel) est le principe même de l'humanité en l'homme, principe et source de la liberté, propre de l'homme qui fait aussi de chacun une personne.
Une telle anthropologie aborde, bien sur, des questions difficiles parce que, touchant aux profondeurs de l'humain, elle touche aussi à ce qui est de l'expérience humaine à laquelle chacun est renvoyé. Nous dirons, comme d'autres l'ont fait, que l'essentiel est quelquefois plus accessible aux simples mais que la simplicité est ce qu'il y a de plus difficile à atteindre.
La parole témoigne du Sens, les écrits tentent de le signifier par la médiation toujours insuffisante des mots et des phrases. Il faut inviter chacun à chercher au coeur de lui-même le Sens des mots. C'est la meilleure voie pour accéder aux concepts les plus difficiles comme Karl Popper l'a aussi découvert un jour.
L'homme est la lumière du monde,
ce n'est pas le moment de l'éteindreNous donnerons ici quelques articulations de cette anthropologie fondamentale qui, on le verra, dessine les bases radicales d'un humanisme méthodologique.
L'homme être de Sens
Le Sens, pluriel, constitue le coeur de l'homme, son Instance, esprit(s) de l'homme. Par là même il est au coeur de l'expérience des choses et des choses elles-mêmes, pour les hommes.
Le Sens est le principe de toute signification humaine des choses. Il est le principe de toute orientation humainement qualifiée, en termes de valeurs ou d'éthique par exemple. Il est enfin le principe de toute rationalité, ordonnant les choses et les actes.
L'homme être en devenir
La question du devenir est inhérente à la nature humaine, être de Sens. Si les devenirs sont multiples, celui qui peut être qualifié d'accomplissement est celui par lequel émerge la maîtrise de la liberté humaine, liberté de Sens, liberté d'Être dont chacun est appelé à trouver la voie qui lui est propre et aussi à partager des voies communes.
L'expérience humaine
L'expérience humaine est toujours expérience de l'autre, le semblable. La relation humaine à l'autre est relation de Sens partagé, conSensus.
L'expérience du Sens partagé avec l'autre, celle du conSensus donc, se déploie selon une structure ternaire (trialectique) où sont articulées ensemble l'intention du sujet, l'attention à l'objet, l'extension du projet constituant ainsi la subjectivité, l'objectivité, la rationalité simultanées de toute expérience humaine.
Celle-ci est ainsi réalisation du monde. L'expérience du ConSensus s'éprouve comme conscience dont les constituants ne sont rien d'autre qu'une "réalisation" des choses et du monde.
Redisons le de mille façons, les ConSensus sont les fondements des réalités, réalisées dans et par l'expérience humaine. Les Sens en sont au principe. Les réalités du monde et des choses ne sont que des "réalités réalisées" par le fait de ConSensus entre les hommes. Ces réalités réalisées épousent la structure ternaire de la conscience et de l'expérience humaine, toujours expérience de ConSensus.
Ainsi l'existence des choses, celles du monde et des hommes dans le monde sont toutes des réalités réalisées. L'homme, être de Sens, est aussi réalité du monde mais, s'il en fait partie existentiellement dans l'expérience humaine, il n'en est pas issu en tant qu'être de Sens (cf. le commentaire magistral de la Sainte Famille par Michel Serres dans "Hominescence".
Enfin si toute réalité est réalisée dans et par l'expérience humaine, toute action humaine dans le monde passe par un travail sur l'expérience humaine, conscience réalisante et, au bout du compte à la racine: le Sens en Consensus.
Tel est le visage de l'humanisme véritablement radical au travers de la compréhension de l'expérience humaine.
Le monde humain
Il est réalisé par le ConSensus des hommes. Cela veut dire que c'est leur regard mais aussi toutes les dimensions de leur conscience réalisante, y compris physiquement, matériellement, qui font le monde des hommes.
Le monde est réalisé par les ConSensus des hommes et ainsi les Sens des hommes sont le coeur "métaphysique" du monde.
La pluralité des Sens et des ConSensus réalise des mondes multiples, ceux de multiples communautés de Sens.
Ainsi s'il y a un monde de l'humanité, il y a aussi les mondes des différentes communautés humaines qui sont au fond des communautés de consensus.
Ils apparaissent comme lieu d'existence des hommes en communautés. Celles-ci cherchent toujours à définir ou délimiter leur monde pour assurer leur être ensemble, quitte quelque fois, aliénés, à en mourir ou tenter de supprimer l'autre.
Selon les Sens en ConSensus les mondes humains réalisés ne sont pas les mêmes, ne sont pas engagés dans les mêmes Sens, les pires ou les meilleurs. Ils sont autant de théâtres des modes d'existence des hommes en communautés.
Ces mondes humains sont le siège des problèmes, des enjeux, des choix et aussi des progrès de l'humanité. Existant par les Sens des hommes en ConSensus ceux-ci y trouvent à la fois la source et la résolution des problèmes d'existence mais aussi l'accès possible à la maîtrise de ces Sens, à l'accomplissement de leur liberté d'être humain.
En définitive le monde humain est témoignage de l'humanité de l'homme, de son accomplissement et ses mutations, de l'histoire de son devenir et de l'avènement de son humanité, libre et librement responsable.
Le monde est pour l'homme un livre sans cesse à lire et à écrire avec une parole de Sens.
Il y a là mille remises en questions, mille questions légitimes mais une perspective, une conception, un anthropocentrisme radical, autre nom d'un humanisme radical s'il est voué à l'accomplissement de l'humanité de l'homme en chacun et en tous.Cet anthropocentrisme, mal en cour surtout depuis que l'antihumanisme radical sévit, est une conception dont l'auteur est un homme qui assume son regard d'homme, son intelligence d'homme, son expérience d'homme partagés avec d'autres hommes et ne prétend pas parler en dehors de cette position là.
Comment un homme peut il prétendre parler comme autre chose qu'un homme, d'un regard et d'une d'expérience autres que celles d'un homme qu'il est?
C'est pourtant la position schizophrène de l'antihumanisme radical qui ne cesse de mettre les choses au centre et l'humanité dans les ténèbres extérieures comme par exemple lorsqu'on oublie que l'environnement est ce qu'il y a autour de l'homme et pas au centre, à la place.
L'HUMANISME MÉTHODOLOGIQUE
LA MÉTHODE HUMAINE
Les problèmes par la racineL'humanisme méthodologique s'appuie sur l'humanisme radical qui lui donne les concepts et les moyens de son ambition. On peut en formuler une première définition.
L'humanisme méthodologique consiste :
- à agir dans le monde humain:
- par un travail sur l'expérience humaine des choses et des situations,
- visant à une meilleure maîtrise du Sens, humain,
- pour favoriser en toutes circonstances l'accomplissement de l'homme et de l'humanité.C'est donc une démarche effectivement centrée sur l'homme et qui place le Sens humain à la clé de tous les enjeux et réalisations humaines. Qu'est-ce que cela apporte ?
Pour l'humanisme radical les choses, les situations, sont réalisées selon les dimensions de l'expérience humaine :
- L'humanisme méthodologique apporte un redéploiement des modes de conscience pour appréhender les choses et le monde d'une façon plus riche et plus humaine par opposition aux façons réductrices, distordues et déshumanisées de le faire.
- L'humanisme méthodologique conduit à un redéploiement des organisations, des structures et des méthodes de maîtrise de l'action individuelle et collective et donc de la conduite des affaires humaines.
- L'humanisme méthodologique conduit à resituer l'action sur une trajectoire de réalisation selon les phases et processus de l'expérience du ConSensus.
- L'humanisme méthodologique conduit à resituer les enjeux de l'action sur une trajectoire de maîtrise selon les phases et processus de l'évolution et de l'accomplissement humain.Pour l'humanisme radical le Sens de toute chose, de toute situation est humain.
- L'humanisme méthodologique développe une nouvelle forme d'intelligence "impliquée", l'intelligence symbolique, intelligence du coeur, intelligence du Sens.
- L'humanisme méthodologique développe une nouvelle compréhension de la responsabilité qui assume de déterminer le Sens à donner et à partager avec autrui, responsabilité de dirigeants et de repères par excellence.
- L'humanisme méthodologique développe une nouvelle efficience qui travaille "à la racine", sur le Sens, le consensus et donc l'expérience humaine. Elle reconstruit le processus humain de l'action sur les choses et sur le monde dans l'expérience réalisatrice.Le monde renversé
L'humanisme méthodologique pense et agit dans un monde intrinsèquement humain. Il y est aux prises avec le pire, les Sens qui le nient, l'oublient ou le dévoient, c'est-à-dire qui font de l'humanité de l'homme l'accessoire de l'expérience humaine et par exemple :
- le produit de l'expérience mentale de la Raison,
- le produit de l'expérience affective, émotionnelle, pulsive qui l'identifie à l'animalité,
- un sous produit de la "nature des choses" inscrit dans une logique de rejet dès que l'homme prétend à l'humanité.La théorie des Sens et des Cohérences Humaines a montré que c'était là prendre des composantes de l'expérience humaine pour l'essence de l'homme.
L'humanisme méthodologique, nouvelle révolution copernicienne, renverse le primat de l'accessoire sur l'essentiel, des moyens sur les fins, de l'environnement sur l'homme. De ce fait il s'évertue à cultiver le meilleur, c'est-à-dire le Sens d'accomplissement de l'humanité par le progrès de sa reconnaissance et de sa maîtrise.
En chaque chose il faut discerner le meilleur Sens pour s'engager dans cette direction et y développer un processus de réalisation. Ce chemin de l'action amène un second bénéfice, celui de grandir et faire grandir en maîtrise et en humanité.
L'enjeu de l'humanisme méthodologique est donc personnel, accomplissement de l'humanité en soi selon le Sens d'une vocation propre. Il est aussi communautaire. Il n'y a pas d'autres mondes que ceux des communautés humaines, réalisations de leur culture propre. Le meilleur à y cultiver, c'est le Sens de la vocation culturelle de la communauté, reconnue comme communauté de Sens, le Sens du bien commun. Il est celui de l'accomplissement humain de la communauté et de ses membres mais aussi celui de la culture d'une vocation qui sert l'humanité d'autres communautés.
L'humanisme méthodologique consiste à repenser les problèmes et situations humaines pour mieux les comprendre, décider et agir dans le Sens de l'accomplissement humain.
QUELQUES EXEMPLES
TÉLÉ VISIONS DU FUTUR
1) Sociétés et collectivités humaines
Le Sens du bien commun, l'essence du politique
Les sociétés, les collectivités sont des communautés humaines, des communautés de Sens. Leur vocation, leur développement c'est de reconnaître et cultiver leur meilleur Sens, le Sens du bien commun.
Telle est la responsabilité et l'enjeu du politique. Là où certains voient territoires, aménagements, structures juridiques, procédures administratives, l'humanisme méthodologique voit communautés humaines en constitution, en recherche d'orientation, en voie de développement et d'accomplissement, le tout n'étant que phénomène humain, même lorsqu'il se réalise dans différentes dimensions. Dès lors toute action doit s'appuyer sur la reconnaissance des Sens humains de la communauté, sur la détermination du Sens de sa vocation, Sens du bien commun et sur le processus de réalisation par l'expérience communautaire du ConSensus. C'est tout ce que nie l'antihumanisme radical qui substitue la gestion des choses au gouvernement des hommes (gouvernance), véritable question de Sens et de consensus.
Toutes les questions politiques à toutes les échelles, celles relatives aux communautés humaines de tous ordres, relèvent ainsi de l'humanisme méthodologique qui renverse complètement les perspectives, les méthodes et les solutions de l'époque.
2) Activités et entreprises humaines
L'homme en action, le Sens de l'efficace
Les entreprises, les projets, les activités, les actions sont des phénomènes de nature humaine. Ce sont toujours des mises en oeuvre structurées de processus humains de réalisation.
Le Sens et le Consensus sont, au principe, les clés de l'action et de toute maîtrise et évidemment celle des dirigeants, des professionnels et de toute personne responsable.
Lorsque l'on veut structurer, organiser, rendre efficace le processus de réalisation alors il faut d'abord s'assurer de la maîtrise et de la cohérence de toutes les dimensions de l'expérience humaine réalisante.On découvre ce faisant que nombre de méthodes, de compétences, d'organisations se limitent à certaines dimensions ou distordent le processus de réalisation humain. Ils y substituent des croyances magiques comme celle de penser que ce sont les méthodes où les systèmes, ou encore les outils qui agissent au lieu des hommes. Comme si le musicien croyait que l'instrument jouait de la musique en son lieu et place.
Ce renversement bouleverse la compréhension et l'analyse des problèmes et situations et conduit à reconstituer de nouvelles pratiques et méthodes pour de nouvelles compétences dont la hiérarchisation tient au niveau humain de maîtrise.
Toutes les disciplines de l'action individuelle et collective, ce que l'on appelle sciences de gestion ou du management sont refondées par l'humanisme méthodologique. Elles remettent le Sens et sa maîtrise, principe et fin de toute réalisation, au centre de compétences nouvelles, celles de l'ingénierie du Sens et des Cohérences Humaines.
3) Évolutions et changements humains.
Changements de niveaux, le Sens pour grandir
L'évolution, le changement personnel ou collectif touchent à une grande part des affaires humaines : éducation, recherche de guérison, d'évolution, d'orientation, de progression, de développement, d'accomplissement enfin.
Aux différents âges de la vie cela préoccupe et justifie alors bien des pratiques humaines, individuelles et collectives, professionnelles et institutionnelles par exemple.
A cela l'humanisme méthodologique propose un renversement d'approche par rapport à celles qui cherchent dans l'accessoire la source des difficultés et la clé des solutions.
Non l'affectif et l'émotionnel, le mental et les représentations, le corporel et les conditions matérielles ne sont pas la cause ni la clé des problèmes et des solutions.
C'est au coeur du sujet : le Sens et celui des communautés : le ConSensus, que se situe la source et la clé des problématiques humaines. C'est donc là qu'il y a à travailler. Pour cela les modalités de l'expérience humaine seront des médiations, des vecteurs, des artifices; d'une part pour accéder au Sens et au ConSensus qui les fondent, d'autre part pour agir de façon à ce que le discernement des Sens se traduise en décisions orientées et en processus de maturation humaine, sur la trajectoire des âges de la vie personnelle et de la vie communautaire.
Ces quelques exemples qui recouvrent une infinité de situations sont là pour illustrer le champ et l'approche de l'humanisme méthodologique et montrer l'intérêt dans tout les domaines des affaires humaines et en particulier celles d'un monde en mutation.
4) Mutation : perspectives d'un humanisme méthodologique.
Paysages d'un nouveau monde, à l'âge du Sens
Si la mutation dans laquelle nous sommes engagés justifie particulièrement la nécessité d'un humanisme radical et d'un humanisme méthodologique, c'est aussi pour comprendre et pour agir dans le contexte d'un monde à venir, en train d'émerger et incompréhensible pour les humanismes classiques.
Il est cependant le lieu problématique de l'antihumanisme radical qui y voit l'accomplissement de l'éradication du principe d'humanité, celui d'une nature des choses qui aurait triomphé de l'humanisme, celui d'un homme rendu à l'évidence, dont la reddition le ramène au rang de chose parmi les choses.
Il est donc utile de dresser un tableau contrasté par rapport à celui de la victoire des systèmes et des technologies auto générés, d'un biocentrisme génétique dont l'homme serait un avatar, de plus en plus mal protégé par des humanismes du passé et par une éthique servile.
L'effort de cogniticiens et de théoriciens d'une économie supra naturelle, associé à celui des technologues et technocrates de tout poil, ferme le rideau de ce théâtre où la conscience a abdiqué au profit d'images mentales à la complexité fascinatoire. Elles apparaissent d'autant plus réalistes qu'elles se sont coupé de leur racine : l'humanité de l'homme et les Sens dans lesquels elle s'investit.
L'humanisme méthodologique offre une autre perspective avec des choses dont le statut d'expérience humaine renverse la conception des causes, celle des fins et aussi celle des méthodes.
Le seuil de maturescence humaine
Il nous fait passer d'un âge de la Raison à l'âge du Sens. La maîtrise des représentations par la Raison a été le bénéfice de l'époque précédente. Il se révèle maintenant que la Raison humaine est un bon instrument pour servir le Sens. Or on voit là la limite, la Raison peut se mettre au service de n'importe quel Sens. L'âge du Sens réclame à son tour un niveau de maîtrise plus profond, plus essentiel, avec le discernement du Sens.L'âge du virtuel
Comme l'humanisme radical le montre et l'humanisme méthodologique le prend en charge, les réalités du monde et des choses sont réalisées par l'expérience du Sens.
Si on considère que le Sens est le vecteur des vertus et valeurs humaines, plus précisément des virtualités humaines, alors les réalités et les mondes où nous vivons sont à reconnaître comme virtuels, réalisant les Sens, virtualités humaines, et les révélant par là même.Cela fait du processus réalisation / révélation le chemin de développement et d'accomplissement des virtualités humaines par la médiation de nos réalités alors considérées comme virtuelles.
Les espaces virtuels qu'Internet nous fait approcher et construire ne sont que le révélateur d'une nouvelle conscience du rapport de l'homme au monde dont il est le Sens, porte la responsabilité et y met à l'épreuve sa liberté d'être humain.
L'âge des communautés de Sens
Les réalités sont expériences partagées de consensus et le consensus le lien communautaire. L'humanisme méthodologique met en évidence que toutes les problématiques et les affaires humaines sont des affaires communautaires et que les communautés sont le lieu où les connaissances et les compétences pour l'action sont les plus essentielles pour l'activité humaine.Les mondes virtuels sont les réalités de communautés de Sens, théâtres et médiations de leur recherche du bien commun, de leur développement et de leur vocation. De même c'est par leur monde que toutes les communautés se réalisent et se révèlent.
Les personnes n'ont de réalité que dans les communautés qu'elles partagent et c'est donc le lieu où elles trouvent à s'accomplir et se réaliser. Les problèmes personnels n'ont pas d'autre champ que les réalités communautaires, de même que les actions personnelles n'ont d'autre terrain pour s'accomplir.
Dans ce tableau la nature du lien social, relationnel, est un lien de Sens formant conSensus. Il se manifeste sous le mode de l'expérience partagée de réalités communes.
Dans ce monde la participation de chacun au développement commun établit un lien de concourance. Le concours au bien commun est alors un service. C'est ce qui justifie l'exercice d'une vocation personnelle ou communautaire : le service qui est toujours service d'un bien commun et service de maîtrise, c'est-à-dire aussi service d'accomplissement.
A contrario, ce qui ne va pas dans le Sens du bien commun dessert. Voilà des bases pour reconsidérer les voies de la production et de l'échange "de biens et de services" : l'économie.A l'âge du Sens on ne peut plus évacuer la question de la contribution au bien commun et la situer, au fond, comme une question de Sens humain à discerner, à déterminer et à engager dans l'action.
Dans ce tableau qu'apporte Internet? Rien d'autre que d'en être un laboratoire. Déstabilisant temps et espace ses usages mettront en évidence, comme cela commence, que les déterminants des situations et des affaires humaines sont ceux présentés ici, ceux qu'un humanisme radical permet de lire conceptuellement et qu'un humanisme méthodologique d'aborder méthodiquement.
5) Les religions.
Et Dieu dans tout ça ?
Un éclairage est à apporter sur la question du lien entre humanisme radical et méthodologique et religion.
D'abord il faut observer le mépris dans lequel est tenu par certains le phénomène religieux qui concerne des milliards d'humains. On en dit que c'est la source des plus grands massacres oubliant que les records établis au 20° siècle sont justement ceux du nazisme et du matérialisme soviétique affrontés aussi au matérialisme capitalistique.
Au fond pour beaucoup les religions sont des sources d'antihumanisme:
- soit qu'elles masquent des volontés de puissance comme dans le Sens animaliste des intégrismes,
- soit qu'elles imposent des exigences juridico morales hypocrites (hypocrisis) comme les idéalismes rationalistes,
- soit qu'elles en veulent diaboliquement à l'intégrité des hommes.Ce qui leur est aussi reproché, et pas toujours à tort, c'est qu'elles épousent des Sens de l'humain qui ne sont pas les meilleurs.
Par ailleurs elles se posent aussi chacune implicitement comme humanisme radical et méthodologique. Cependant leur considération de l'humanité de l'homme n'a pas toujours été patente ni claire, du moins historiquement.
C'est pour cela qu'au même titre que les philosophies ont pu contribuer à éclairer les théologies, une anthropologie fondamentale et un humanisme méthodologique et radical interpellent la lecture qui est faite des religions et de l'humanité de leur message.
En même temps c'est l'humanité qui cherche une nouvelle ère que certains ont appelé l'ère de l'esprit. Si tant est que l'esprit de toute spiritualité est Sens d'humanité, confrontation humaine à son être de Sens et à son accomplissement dans le monde, alors les religions on le voit aussi, participent à la mutation et au "dépouillement du vieil homme".
Peut être alors pourront elles mieux aborder par le Sens la question de la multiplicité des réalités-révélatrices, compte tenu de la diversité des hommes et de leurs communautés et de l'unité possible de l'humanité entière en chacun et en tous.