SENS ET COHERENCES HUMAINES

L'HUMANISME METHODOLOGIQUE

©Roger NIFLE

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L'HUMANISME MÉTHODOLOGIQUE

Bases et Perspectives

POUR UNE RECONNAISSANCE DE L'HOMME

ROGER NIFLE

été 2003

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CHAPITRE V - MÉTHODOLOGIE GÉNÉRALE DE L'HUMANISME METHODOLOGIQUE, L'INGENIERIE HUMAINE

Si tous les problèmes sont au fond des problèmes d'humanité (Sens en consensus), des problèmes humains (réalités d'expériences humaines), la gestion des choses devient accessoire au lieu d'être presque le seul champ de l'action pour un grand nombre de spécialistes. Même les questions politiques sont réduites très souvent à des questions technico juridiques ou de manipulation d'affects autour de la question fallacieuse du pouvoir.

Combien de fois entend on vouloir placer l'homme au centre alors qu'aucune traduction concrète ne s'y associe, hormis les mystifications consistant à réduire l'homme à tel ou tel visage accessoire ou régressif (ex. le thème de la satisfaction des besoins).

L'humanisme méthodologique prône l'éthique de la considération. S'il y a un problème quelque part, c'est le problème de quelqu'un, d'un groupe, d'une communauté humaine. Le problème (ou le projet) doit être considéré dans la réalité de ceux qui sont concernés et comme étant le fruit de l'expérience du consensus qui est le leur.

D'une façon générale toute question posée dans une situation existentielle doit renvoyer aux Instances en consensus puis à la question des artifices opératoires pour intervenir tant sur le consensus que sur la transformation des choses. Entre-temps la question éthique revient pour le choix de la position de Sens selon laquelle le consensus va être engagé ainsi que la responsabilité qui s'y associe. Agir c'est prendre une responsabilité éthique et pratique ce que les mécanismes opératoires classiques ou les technocraties tendent à évacuer ou à poser comme accessoire.

Ici c'est l'essentiel qui est en jeu, tant pour le plan pratique qu'éthique, intimement liés par le Sens qui est le même pour l'un ou l'autre plan.

1) Le cycle de l'action, phases et techniques

Nous allons maintenant tracer le parcours d'une méthodologie générale de l'action, applicable dans tous les domaines, à toutes les échelles dans des conditions évidemment différentes.

Le processus méthodologique peut aussi être interactif, les phases plus ou moins longues, les techniques différentes.

Énonçons les différentes phases:

1) Centration pour poser le problème

2) Élucidation pour en discerner le Sens, connaître et comprendre

3) Positionnement pour décider le Sens à tenir

4) Conception des modalités et perspectives de l'action

5) Planification pour organiser l'action dans le temps et en fonction des conditions

6) Opérations pour agir sur les situations

7) Bilan pour prendre acte des résultats

8) Évaluations pour l'appropriation et l'appréciation de l'action

Ces huit phases formeront un enchaînement qui constitue l'artifice de l'action. elles correspondent à la spirale d eréalisation qui s'appuie sur le cohérenciel.

Autant elles se trouvent ordonnées dans une succession particulière, autant le "processus agissant" est en jeu dans le début. On connaît des situations où la première ou les trois premières phases suffisent comme artifice d'intervention pour que le consensus en soit utilement affecté et la situation transformée. Un problème bien posé est à moitié résolu dit-on à juste titre. Nous insistons sur cet aspect d'artifice méthodologique pour bien rappeler aussi que la méthode n'est pas la cause directe de la transformation de la réalité mais qu'elle est le vecteur d'un travail sur le Sens et le consensus. Là où on nous dit qu'il y a des "méthodes qui marchent, des techniques efficaces" rappelons nous que ce ne sont que façons de parler ou croyances magiques, celles de notre monde technico-scientifique en particulier. Enfin notons que très souvent ce processus méthodologique se déroule sans que nous y prenions garde. Il s'agit cependant de l'envisager ici dans des contextes professionnels où l'action doit être pensée.

1) Centration

Il s'agit d'un côté de "poser le problème" et d'un autre de se tenir disposé dans la problématique humaine qui le sous-tend. Un artifice permet de faciliter cette centration au travers de la recherche de réponse à trois questions:

- C'est le problème de qui? quelle personne? quel groupe? quelle communauté? quels rôles?

- De quoi s'agit-il? quel est l'objet central, dans quel contexte, quels sont les objets secondaires?

- Pourquoi cela fait-il problème? quel est le Sens de la demande ou de la volonté de traiter le problème?

On peut y rajouter quels buts, quelles attentes, quelles conditions, quels affects, quels faits, quelles représentations? Tout ceci ne fera que faciliter la centration. Ce questionnement est aussi une "écoute" de la situation humaine initiale, une en-quête selon le principe de considération qui place les hommes au cur de leurs affaires et non l'inverse. Il peut se traduire par différentes façons de solliciter, questions directes, écoute de "témoins significatifs", observation de la situation et des matériaux puis comme expression symbolique c'est-à-dire témoignage de la réalité des hommes impliqués. Il s'agit au travers de ce questionnement de se "mettre en question" c'est-à-dire de prendre part au consensus initial en rejoignant la problématique sous-jascente. Il est évident que s'il n'y a là aucune maîtrise rien ne permettra un quelconque service se faisant alors seulement le jouet du problème.

Ce déplacement intérieur assorti d'une maîtrise suffisante ira jusqu'à discerner quels Sens sont engagés et en tout cas dans quel Sens se tenir pour que le traitement du problème se fasse au service de l'accomplissement humain. La centration est une discipline dont le premier exercice doit être suffisant pour engager la suite.

Notons ici deux choses.

- Toute la méthodologie sera une poursuite du travail de centration, culture du meilleur Sens de la problématique pertinente.

- Ce travail est déjà une intervention favorisant la centration des autres et ce faisant contribue au progrès de leur maîtrise ce qui est toujours un des enjeux essentiels de l'action.

2) L'élucidation de la situation

Toute intervention, toute solution, toute transformation sera l'actualisation d'un Sens en consensus. Souvent il sera nécessaire d'engager une élucidation de ce Sens tant pour déterminer l'orientation de l'action que ce qui en sera la ressource, le potentiel, les valeurs d'appuis, etc.

C'est comme cela que l'humanisme méthodologique appelle à se questionner. Quels sont les potentiels, les richesses, les ressources de tous ordres que la situation porte en elle-même de par la Cohérence en consensus où se trouve un "meilleur Sens" que l'on peut déjà élucider. Cela veut dire que en chaque chose, en chaque situation on recherche le meilleur Sens ou encore que l'on va mettre en évidence le meilleur potentiel à actualiser. Tout cela se situe au cur des hommes, de leurs Instances en consensus. L'élucidation peut alors s'appuyer sur l'une ou l'autre de deux techniques.

L'analyse de Cohérence pour mettre en évidence les différents Sens de la Cohérence sous-jascente, le meilleur Sens apparaissant parmi eux.

L'analyse figurative plus rapide visant par exemple à dégager directement le meilleur Sens de la situation et ses potentiels.

Le discernement de Sens et l'intelligence symbolique

Nous nous trouvons là devant une question déjà soulevée à plusieurs reprises tant en termes de maîtrise à l'âge du Sens, qu'en terme de connaissance avec la conscience de Sens. Il s'agit ici de la mise en uvre du processus qui peut y conduire. Il est sans rapport avec les processus de la raison donc avec tout ce que nos écoles, modestes ou grandes, nous ont enseigné, faute sans doute de maîtres en la matière.

L'élucidation du Sens d'une situation advient comme une lumière intérieure (y voir clair) une sorte de compréhension profonde telle que, quand cela arrive, tout s'éclaire et en plusieurs Sens. C'est une expérience assez courante mais mal identifiée, rarement étudiée et encore moins généralisée comme nous le faisons ici. De ce fait cela a pu apparaître soit comme anodin soit comme extraordinaire réservé aux créateurs, aux découvreurs, aux génies. L'humanisme méthodologique montre que c'est un processus que l'on peut cultiver comme on l'a fait de la raison et qui réclame néanmoins justement une certaine maîtrise préalable des représentations (et de la raison).

Cela restera autrement inaccessible sinon comme leurre ou simulacre et notamment pour ceux qui ont fait de la raison et des représentations l'indépassable de la conscience humaine, niant de ce fait Sens et Instances humaines. Toute leur expertise s'arcqueboute sur la négation de la possibilité d'un tel discernement. On parlera de construire du Sens, de produire du Sens, pas de l'élucider. C'est là le fait d'idéologies dénégatrice au fond d'une nature humaine (antihumanisme théorique).

Il s'agit au contraire très simplement d'y aller voir, là ou ceux là disent qu'il n'y a rien, pour y découvrir cet essentiel sur lequel repose toute l'ingénierie humaine, ingénierie du Sens et de son actualisation dans l'action.

Pour entrer dans la pratique il nous faut au préalable connaître deux choses.

La conscience de Sens advient lorsque nous sommes à la fois centré sur la Cohérence d'une réalité ou situation à élucider (centration) et que nous sommes disposés très rigoureusement dans le meilleur Sens de cette Cohérence.

Nous voyons le paradoxe. Il faudrait déjà discerner les Sens de la Cohérence pour se tenir dans le meilleur Sens permettant ce discernement.

Notons d'ores et déjà que si nous sommes habituellement déjà engagé dans un fort travail de discernement cela sera plus facile d'aller plus loin dans ce discernement que si nous n'en avons aucune maîtrise. Dit autrement le travail de discernement est d'autant plus accessible que nous avons déjà développé une bonne maîtrise dans ce Sens et d'autant plus difficile sinon inaccessible dans le cas contraire.

La deuxième chose à connaître est la notion d'homologie.

Si une situation, une réalité est l'actualisation d'un Sens en consensus alors on peut dire que:

- les différentes composantes et dimensions de cette réalité sont homologues entre elles (même Sens) affects, faits, représentations d'une même réalité sont en homologie ainsi que les dimensions subjectives, objectives et projectives ou rationnelles. Toutes sont le véhicule du même Sens.

- lorsque seules les parties prenantes du consensus changent, ce qui équivaut au changement des conditions et du contexte sans changement de Sens, alors nous disposons de "réalités" différentes mais aussi homologues.

Par ailleurs lorsque l'on est activé par une situation dans un Sens d'une Cohérence alors tout ce qui peut être actualisé de là est homologue à ce qui nous avait activé.

Par exemple se laisser activer par une situation (centration, échanges dans un groupe, écoute, expériences de la situation...) alors ce qui nous vient à l'imagination est homologue à la situation. Le rêve en est un exemple, la création artistique un autre mais aussi toute forme d'actualisation spontanée qui exprimera homologiquement ce qui est activé en nous. Le langage lui même est un instrument d'homologie particulièrement efficace et utile.

Sur ces deux apports peut se comprendre l'artifice qui favorise le discernement des Sens d'une situation, d'un problème, d'un concept, d'un objet de préoccupation quelconque à toutes les échelles possibles.

Le fait de se centrer avec l'aide de la considération simultanée de plusieurs réalités homologues nous permet de trouver la bonne disposition, dans le Sens favorable, tel que l'éclairage se produit.

Bien sûr, même si celui-ci apparaît subitement, le processus de discernement se travaille, se cultive. Il faut aussi considérer que si c'est la disposition dans le "meilleur sens" qui seule procure ce discernement c'est malgré tout celui de tous les autres Sens qui advient en même temps. A l'inverse s'activer et se motiver par homologie dans tout autre Sens ne procure aucun discernement d'aucun Sens.

Ce qui est dit là est peu ordinaire et peut donc paraître extra-ordinaire. L'auteur et bien d'autres peuvent témoigner de la puissance d'éclairement qui résulte de telles pratiques engagées dans des milliers de situations de tous ordres.

L'intelligence symbolique, discernement des Sens (en consensus) des réalités, n'a guère été cultivée jusqu'ici sauf exceptions souvent indicibles ou inaudibles. La théorisation et la découverte d'artifices méthodologiques ouvrent à des possibilités de grande ampleur permettant de généraliser des capacités humaines jusqu'ici très exceptionnelles. Elles permettent surtout d'accéder à une profondeur humaine des affaires humaines peu commune sinon par des disciplines "ésotériques" à proprement parler.

Dans le cadre méthodologique, ce moment d'élucidation du ou des Sens des situations entraîne à pouvoir travailler à un niveau de profondeur peu commun dont on verra les conséquences par la suite.

Il s'agit, bien sûr, de réguler la pratique selon les besoins mais aussi de tenir les exigences d'une discipline de discernement bien plus impliquante que les instrumentations habituelles qui ignorent le cur de l'homme là où se joue l'action.

3) Positionnement

Élucider le meilleur Sens dans la Cohérence ou problématique humaine sous-jascente implique de s'y trouver disposé. De ce fait il parait logique que l'actualisation de ce Sens en vienne à poursuivre l'action en ce même Sens. C'est oublier que le discernement met en situation de liberté et que cette liberté doit s'exercer pour que position soit prise sur l'un ou l'autre Sens. Paradoxalement la liberté rend à la fois possible et nécessaire ce choix en même temps que le discernement du meilleur Sens engage à le cultiver et seulement celui-là.

Il y a donc un moment d'engagement, de détermination, de positionnement qui assume la responsabilité d'engager ce Sens en conSensus donc d'influer sur l'engagement des autres. On retrouve la dimension intentionnelle et le niveau de maîtrise qui, avec la maturescence, ouvre à l'exercice de cette responsabilité. Être responsable c'est répondre du Sens dans lequel on s'engage et par là-même on engage les autres.

Il y a donc, avant d'aller plus loin dans l'action, un moment de décision, de détermination qui, en situation de groupe ou de communauté plus large, peut réclamer des modalités spécifiques. En particulier donner des repères de ce Sens eu égard à la situation peut permettre à ceux qui n'en ont pas le discernement du Sens d'en apercevoir néanmoins la perspective existentielle suffisamment pour assumer la détermination d'y consentir. Encore faut-il qu'il y ait quelque part une maîtrise du discernement pour que cet engagement ne soit pas vain et qu'il soit bien déterminant.

4) Conception des modalités et perspectives de l'action

Quelle frustration pour ceux qui appliquent des solutions ou des modèles tous faits d'avoir à en venir jusqu'à cette étape et de ne rien savoir encore de la façon dont on va opérer factuellement. L'illusion que c'est la méthode, le modèle, la procédure qui opèrent (qui marchent) est des plus répandues excluant le sujet de sa position d'auteur et de maîtrise pour le tenir dans le rôle d'agent sinon d 'outil ou d'instrument. Or chaque situation est singulière et on ne peut concevoir le mode d'action pertinent que de façon ad hoc. Le mode d'action ce sera l'actualisation d'un Sens sous le mode d'un processus enchaînant différentes opérations. Il est en effet important de considérer que l'action humaine est toujours un processus intervenant dans une situation déjà là pour la transformer, la changer, la faire évoluer comme on l'a vu. Le processus à concevoir est lui-même l'actualisation d'un Sens, celui selon lequel on a décidé d'agir.

La conception du processus se fera par un travail de créativité générative. C'est un second volet de l'intelligence symbolique et un moyen essentiel de l'ingénierie humaine.

La créativité générative est une technique de production homologique progressive partant d'une centration et d'un Sens dans lequel s'engager. L'imaginaire va être sollicité pour produire un "homologramme" (en général une petite histoire imaginaire) qui traduise déjà le Sens sous le mode d'une rationalité narrative et les différentes dimensions et composantes de l'expérience (structure cohérencielle). Très souvent il arrive que ce travail d'analyse structurelle de l'homologramme soit l'occasion aussi d'une forte élucidation de la problématique sous-jacente si bien qu'un raccourci peut quelque fois être pris.

L'homologramme sera traduit homologiquement en une structure logique permettant de dessiner un premier scénario de l'action. Ensuite il s'agit de le rapporter à la réalité initiale pour traduire le scénario en projet ou processus opérationnel. Le degré de précision du mode d'action dépendra du degré de prise en compte de la réalité initiale.

C'est donc à ce stade seulement que l'on peut avoir besoin, pour concrétiser le processus d'action, d'une analyse cohérencielle de la réalité initiale.

Une invraisemblable théorie de l'action largement en vigueur voudrait que l'action découle mécaniquement de ce type d'analyse ou de diagnostics éliminant une fois de plus le sujet humain et l'humanité des affaires humaines (anti humanisme pratique).

La conception créative du processus de l'action peut aussi bien déboucher sur une démarche, une méthode, un projet, une solution dont il faut savoir que ce sera toujours un processus à conduire même si cela passe par une production factuelle, matérielle. Il y a toujours un caractère stratégique à l'action humaine et la seule conception du processus de l'action participe, comme on l'a déjà vu, de l'action elle même, travail sur le consensus. Dans certains cas une élaboration participative, c'est-à-dire précisément une concertation, constituera sous le mode de l'appropriation une activation du consensus dont l'actualisation sera en même temps production d'une méthode d'action (un projet par exemple) mais aussi l'engagement de l'action elle-même. C'est pour cela que ce type de pratique concertative est aussi une pratique de "mise en mouvement collectif". L'étendue de la participation au consensus donne alors toute sa puissance à l'action.

Devant cette perspective il faut observer deux choses. Si un travail préalable de centration, d'élucidation, de positionnement très fort n'a pas été réalisé alors la concertation divaguera rapidement actualisant et activant des soubassement non maîtrisés et donc probablement contre productifs (c'est le cas des pratiques participatives naïves ou perverses qui sont les plus fréquentes).

En outre si l'amplitude de la mise en mouvement est très grande on aura comme pour la créativité générative à procéder par étapes concevant un scénario général avant de le déployer, du général (générique) vers le particulier. En fait il est possible de concevoir la technique de créativité générative comme un cadre d'élaboration participative de solutions ou projets complexes impliquant un grand nombre de personnes. C'est ainsi un moyen d'action intéressant pour les grandes communautés pour lesquelles il manque aujourd'hui cruellement de méthodes constructives. La créativité générative débouchera sur un niveau de conception suffisant pour que le processus soit opérationnel. Il faut néanmoins passer à l'étape suivante pour en cadrer la conduite.

5) Planification pour organiser l'action dans le temps

Il s'agit d'un stade d'ordonnancement de l'action qui prendra des formes différentes selon le cas.

On retrouvera le souci de planifier et programmer dans le temps, celui de rassembler les ressources, de préparer les moyens, d'organiser la conduite et les moyens de pilotage de l'action.

Il faut en effet anticiper sur les aléas de toute situation humaine (il n'y en a pas d'autres) donc se doter des moyens d'évolution, d'anticipation, d'analyse adéquats permettant de réajuster en tant que de besoin le processus lui-même (interaction) ou simplement d'en assurer la continuité.

Cette étape, déjà la cinquième, est la dernière avant l'action factuelle mais on a vu que le processus méthodologique est agissant dès la première étape à tel point que le consensus ayant déjà été travaillé l'essentiel a déjà pu être fait et l'action se réduire à quelques opérations symboliquement structurantes.

6) Opération pour agir sur la situation

Qu'est-ce que faire veut dire pour l'humanisme méthodologique. L'âge de l'enfance nous a laissé cette conscience pratique de la résistance, l'interaction et, au bout du compte, l'effectuation d'une transformation. Il nous a laissé croire que c'était par exemple l'opération d'une force exercée, d'un geste, d'un comportement qui s'imposait aux choses pour les modifier, les transformer. "Tout se passe comme si" il en était ainsi mais c'est l'apparence qui est en général retenue. Or la force exercée, le geste développé sont l'actualisation de Sens si bien d'ailleurs que le geste agissant, la chose agi, la transformation et le résultat ne sont pas si séparables que cela.

L'action en tant qu'opération est co-centration. Il s'agit de soutenir une centration (Cohérence et Sens) là où il en va différemment pour y ramener le consensus sous-jascent. Il y faut de la force (de caractère, force intérieure, effort de centration). Il y faut une habileté, le geste accompagnant et incarnat le travail de recentration. Il y faut quelque fois des outils, des instruments qui soutiennent l'effort et l'amplifient. Au travail extérieur qui apparaît agissant correspond un travail intérieur de co-centration ressenti d'ailleurs comme une "concentration". Au-delà de l'exemple matériel, de l'opération physique, il y a bien sûr bien d'autres exemples d'opérations non matérielles qui montrent comment l'opérateur, les opérateurs doivent "y mettre du leur", "s'y mettre", c'est-à-dire se concentrer sur ce qui fera la réalité autre.

Les méthodes, les processus, les programmes ne font que décomposer en opérations élémentaires un chemin de transformation de la situation. Dans l'action les opérations ne constituent qu'une série d'interventions sur le consensus qui le transforment peu à peu.

C'est pour cela qu'elles ont à être encadrées par un processus. C'est autant le processus qui est agissant que telle ou telle opération dans la mesure où il porte le Sens à activer. Ainsi il est erroné de penser que les opérations élémentaires décrivent un procédé de transformation progressive de la réalité alors qu'elles contribuent à faire évoluer le consensus et donc faire changer les réalités qui l'actualisent.

6) Bilan de l'action

Au départ une situation, un problème, une réalité à partir de laquelle le processus méthodologique a été engagé. A ce stade la réalité a été transformée. Objectivement des écarts peuvent être constatés éventuellement mesurés distingués.

Il est courant qu'à la fin d'une action, puis dans le nouveau consensus, la nouvelle expérience une sorte d'amnésie de ce qui était au début se manifeste. Il faut l'exercice d'une certaine maîtrise pour pouvoir aller de l'un à l'autre des consensus (centration, Cohérence, Sens...) et donc de réalités différentes, avant et après.

Si l'action vise à cultiver un Sens d'accomplissement et donc une certaine maîtrise alors le bilan objectif est l'exercice de cette maîtrise. On peut le considérer comme la mesure objective des écarts avant/après mais c'est en fait l'exercice d'une maîtrise de circonstance qui est ainsi assuré.

7) Appréciation évaluation.

Enfin l'évaluation de l'action, l'appréciation de ses bénéfices vient pour renforcer cette maîtrise, l'éprouver comme bénéfice de l'action pour tous ceux qui sont concernés. On s'assurera alors que la réalité ultime est bien l'actualisation du consensus recherché.

Les trois termes de toute évaluation sont alors:

- Le critère de pertinence: "Est-ce que cela va dans le bon Sens?". On comprend que si les phases initiales de centration, de discernement et de positionnement n'ont pas été tenues alors cette évaluation n'est pas possible. C'est l'échec d'un très grand nombre d'évaluations malgré les appareillages-simulacres qu'elles peuvent déployer.

- Le critère de cohérence: "Est-ce que tout s'intègre bien?". C'est la structure cohérencielle qui va permettre d'apprécier si toutes les dimensions et composantes de la situation sont bien intégrées et participent de la pertinence précédente.

- Le critère de performance: "Est-ce que les efforts déployés ont bien produit les résultats escomptés?" Cela est évidemment relatif aux critères antérieurs et s'appuie aussi sur le bilan. Pas de performance sans pertinence, ni cohérence. Toute évaluation qui les omettrait ignorerait ce qu'elle mesure.

Il faut conclure ici sur deux choses:

- Pas d'évaluation sans échelle de valeur. Or l'échelle de valeur est une hiérarchie de ce qui vaut selon le Sens recherché. Le Sens est le support de toute échelle de valeur et donc d'évaluation.

- L'évaluation est un travail de confrontation pédagogique qui a pour effet d'améliorer le niveau de maîtrise. Ce travail se sert de l'expérience de l'action qui trouve là aussi souvent sa meilleure utilité.

Agir c'est transformer la réalité pour devenir plus humain. Les buts existentiels de l'action sont subordonnés aux buts essentiels de l'accomplissement humain.

2) Niveaux de maîtrise, niveaux de compétences, niveaux de services

Avec la méthodologie générale nous avons parcouru le cohérenciel selon une spirale inverse de celle de l'évolution. Les deux sont cependant liés.

Le processus méthodologique part d'une centration et d'une élucidation. Or c'est ce qui demande le plus haut niveau de maîtrise de tout le processus. Faisons un parallèle entre niveaux d'évolution et de maîtrise d'une part; phases du processus méthodologique d'autre part.

NIVEAUX DE MAÎTRISE

NIVEAUX DE COMPÉTENCES

NIVEAUX DE SERVICES

Niveau archaïque

Que ce soit l'appréhension du problème ou son appréciation, on se situe dans un affect confusionnel qui n'autorise aucune action maîtrisée sinon, réactionnelle, pulsionnelle. L'action apparaîtra éventuellement comme pathologique, ce qui signifie sous l'emprise d'un pathos, d'une passion, d'une compulsion.

Niveau primaire ou factuel.

Il est possible de reproduire des opérations empiriques issues d'un apprentissage factuel sans avoir la perspective des buts visés.

Ce niveau opératoire peut être maîtrisé par une capacité de représentations rationnelles ou par quelqu'un qui dispose de cette maîtrise. C'est ce qui justifie une hiérarchie d'encadrement. Dans certains cas le niveau factuel de maîtrise peut aussi encadrer des personnes de niveau archaïque. Cela peut permettre l'accès de ces dernières au niveau factuel soit dans un programme éducatif (ex. écoles maternelles) soit dans un programme thérapeutique ou rééducatif.

Au niveau primaire factuel, les critères de maîtrise sont l'efficacité de l'action, sa qualité en fonction d'une utilité particulière.

Niveau secondaire maîtrise des représentations par la raison

A ce niveau, il est possible de produire des représentations cohérentes: projet, prospective, plans, scénarios, procédures, etc.

C'est à ce stade que peut se préparer, s'encadrer, l'action opérationnelle, factuelle. Relier rationnellement différentes représentations pour modéliser l'action est l'activité qui doit être maîtrisée ici.

On comprend à la fois l'exigence consistant à ce que ces représentations anticipent véritablement sur leur réalisation factuelle mais aussi le fait que le Sens de ces représentations ne se maîtrise pas à ce niveau.

Il y a maintenant un autre niveau hiérarchique qui s'impose.

Le niveau de maîtrise des représentations doit être orienté, dirigé par un niveau de maîtrise du Sens.

Sans cela la maîtrise des représentations se limite à l'arrangement ou au réarrangement de modèles existants, à la conservation des cadres mentaux et non à la créativité ou l'innovation pour de nouvelles représentations associées à des situations uniques comme elles le sont toujours.

Il y a donc une limite à la maîtrise des représentations qui doit faire appel à une maîtrise supérieure.

Niveau tertiaire de la maîtrise du Sens et de l'intégralité des dimensions existentielles.

A ce niveau peut se piloter le processus de fond qui travaille directement sur les Cohérences, problématiques humaines, Sens et consensus. C'est celui qui permet l'élucidation initiale et la prise de position sur le Sens de l'action.

Il est possible à ce stade de faire appel à d'autres compétences portant sur les représentations mais dont on voit qu'elle iront alors de la maîtrise de la créativité conceptuelle jusqu'à la maîtrise de la rationalité opérative. C'est tout un ensemble de niveaux de compétences qui se différencient ainsi. De même différents niveaux de compétences factuelles viendront poursuivre l'action encadrée par le niveau secondaire.

Nous voyons ainsi que le processus méthodologique de l'action fait appel à un enchaînement de niveaux de compétences correspondant aux niveaux d'évolution et de maîtrise. Le parallèle entre le développement de potentiels de maîtrise et les capacités de maîtrise de l'action apparaît d'évidence. Cependant apparaît aussi d'évidence qu'une personne, une structure, un groupe, une société d'un certain niveau d'évolution ne peut maîtriser l'action depuis un niveau supérieur à celui de son évolution, de sa maîtrise.

C'est ce qui justifie l'utilité de services. Il s'agit de l'exercice d'une maîtrise pour le service de ceux qui ne l'ont pas. On a vu ainsi que par le biais de la maîtrise de l'action, c'est la maîtrise collective qui est bénéficiaire.

Ainsi tout service d'exercice d'une maîtrise sert la maîtrise des autres.

Se refondent ici les notions de compétences, de niveau professionnalisme, de niveaux de responsabilités dans l'action. Se fonde ici aussi la notion de niveau de service.

En effet le service apporté aux autres, service de contribution à la maîtrise de l'autre, ne peut dépasser le niveau de maîtrise de celui qui sert.

On pourra ainsi associer au même niveau

- maîtrise primaire ou factuelle et service d'utilité,

- maîtrise secondaire et service de conception, de représentation, d'identification,

- maîtrise tertiaire et service de Sens, Sens d'un développement ou d'un accomplissement personnel, Sens du bien commun.

L'architecture des niveaux de maîtrise permet l'articulation des niveaux de service.

Pensons néanmoins aux difficultés liées à l'ignorance de cette hiérarchie des niveaux. Ainsi des attentes de service ne peuvent être satisfaites par ceux qui, n'ayant pas le niveau suffisant, ne peuvent ni l'appréhender, ni l'offrir. C'est aussi le cas de plus en plus fréquent de "services publics" qui n'ayant pas dépassé le niveau factuel ou le niveau des représentations sont incapables d'appréhender les services de niveau tertiaire liés au Sens des affaires humaines et, pire, au Sens du bien commun qui leur échappe.

C'est l'un des apports majeurs de l'humanisme méthodologique, face à une carence de plus en plus criante des niveaux de responsabilité et de légitimation des niveaux de compétences affichés.

En particulier il faut poser là les repères suivants en terme de niveaux de responsabilité et de maîtrise à assumer.

Le niveau politique qui détermine le Sens de l'action dans les groupes, institutions et communautés de toutes tailles.

Il s'appuie sur l'exercice d'un niveau de maîtrise tertiaire de l'âge du Sens dont les responsables ont à trouver l'appui des éclairages et des repères.

Le niveau stratégique qui déploie rationnellement dans l'étendue les modalités de l'action.

Il s'appuie sur l'exercice d'une compétence de niveau secondaire (maîtrise des représentations) elle même orientée par la position politique (sans elle c'est l'arbitraire du Sens ou le conformisme des modèles qui règnent comme dans la plupart de nos appareils technocratiques).

Le niveau économique qui prend en compte les résultats des opérations et en répartit les ressources et les charges.

S'il n'est pas éclairé par le niveau stratégique et politique il s'érige en système d'aliénation justifiant notamment les pouvoirs archaïques qui s'en trouvent légitimés.

La hiérarchie des niveaux politiques, stratégiques, économiques est aujourd'hui soumise à la plus grande confusion faute d'un fondement anthropologique tel que l'Humanisme Méthodologique le propose.

A contrario il y a là les bases d'un programme de restructuration de reverticalisation des niveaux de formation, de compétences et de responsabilités indispensables dans un monde de l'âge du Sens qui s'amorce.

3) Niveaux de réalité et niveaux d'action. L'architecture des actions humaines

Plus on approfondit l'humanité en l'homme plus on est confronté à la diversité et l'amplitude des affaires humaines.

Le discernement des Sens nous amène à découvrir le meilleur mais aussi le pire et c'est une épreuve de découvrir comment les Sens qui détournent l'humanité de sa propre reconnaissance, sa liberté et son accomplissement sont à l'oeuvre massivement. L'histoire de l'humanité est bien celle de cette quête de la lumière, lumière en elle-même de ce qui lui est donné à être. Elle est l'histoire des errances et des conversions, celle aussi d'une évolution lorsque le meilleur Sens est trouvé et dont il reste à gravir les degrés. Elle est l'histoire aussi des régressions et des diversions.

Étonnamment il est possible de lire l'histoire de l'humanité comme un long chemin d'évolution où les âges de maturation sont affaire de millénaires mais aussi de siècles, de décennies, d'années ou d'heures. Cela n'exclue pas qu'à tout moment et partout les autres Sens soient à l'oeuvre.

Cependant il est plus facile de s'accomplir dans un contexte favorisant que dans un contexte qui active des Sens inverses. Il est plus facile de s'accomplir lorsqu'un environnement qui en cultive le Sens de façon privilégiée. On a pu penser cependant que des églises, des communautés spécialisées pouvaient prétendre constituer des communautés de Sens unique, confondant leur réalité existentielle avec le Sens lui-même, le bon. C'est la source des intégrismes. Or toute communauté humaine est aux prises avec tous les Sens qui la fondent. Sans doute pourra-t-on assumer à l'âge du Sens que c'est le rôle de toute communauté humaine d'avoir à affronter cet enjeu, devenir un milieu favorisant l'accomplissement par la visée du bien commun, aux prises, toujours, avec tous les autres Sens de sa problématique.

Cela nous entraîne à considérer les affaires humaines sous l'angle du contexte où elles se présentent ou plutôt nous les abordons.

Nous pouvons prendre les situations comme des situations personnelles prises dans l'environnement de proximité du moment et envisager l'action comme travaillant à un bénéfice personnel. Il y a là des problèmes personnels reposant sur des problématiques humaines et partagées dans des situations de proximité. Les principes et les méthodes de l'action s'appliquent là dans leur singularité et leurs enjeux d'accomplissement personnel.

Nous pouvons prendre les situations comme des situations communautaires, culturelles même. Alors c'est le monde communautaire qui définit les affaires humaines qu'y s'y posent et le Sens du bien commun qui ordonne l'action propre à chaque communauté. Bien sûr chaque communauté comme on l'a vu peut s'inscrire avec d'autres, dans une communauté de communautés. Dès lors l'approche communautaire des problèmes est elle-même hiérachisable de multiples façons comme s'articulent les communautés. Chaque communauté a son monde, son Sens du bien commun donc ses affaires et les actions qui s'y rapportent, irréductibles à toute autre.

Enfin il y a l'humanité universelle dont le monde est aussi l'univers et qui invite à poser des questions et engager des actions de portée universelle touchant au consensus de milliards d'êtres humains. La mondialisation est, au passage, une "réalisation" de ce niveau d'appréhension des affaires humaines.

Différentes questions se posent alors.

Comment une personne peut elle aborder l'universel et même le culturel tout en assumant ses affaires personnelles, ou l'inverse?

Les problématiques humaines sont universelles même si elles participent de consensus multiples, c'est la variable qui change entre ces trois niveaux:

- Le Consensus du moment existentiel personnel

- Le(s) Consensus du contexte communautaire et culturel

- Le Consensus de l'humanité entière.

Il s'agit de même Sens mais d'un champ de consensus différent de plus en plus large donc avec des réalités différentes de plus en plus vastes.

Cependant la réponse est là, nous disposons nous-mêmes de tous les Sens de l'humanité et nous pouvons résoudre en nous même les problématiques de l'humanité. C'est ensuite que le problème de l'action, c'est-à-dire aussi le travail sur le consensus, se présente différemment.

La coexistence de ces trois niveaux (et plus si on considère la multiplicité du second et la diversité des moments du premier) est permanente mais seule la conscience de Sens permet de les articuler. Des chercheurs nous ont montré comment dans leur contexte culturel, une expérience personnelle intime débouche sur la réalisation de solutions universelles (la science). Cependant le plus souvent des communautés culturelles de scientifiques prétendant à la maîtrise de l'universel se sont efforcés de nier l'expérience personnelle intime. Au nom de l'universel on a nié aussi le culturel et donc le communautaire, particulièrement dans notre pays. Inversement on a souvent érigé le culturel en universel (nationalisme, mouvements religieux). Il est aussi très fréquent que le personnel soit érigé en intérêt communautaire ou même en universel. On voit ainsi opposer l'universel au personnel défendant un "intérêt général " somme toute culturel à un intérêt particulier qui s'y opposerait par définition.

Bref la confusion est assez générale. A l'âge archaïque les trois niveaux sont confondus, A l'âge primaire on conçoit deux niveaux, le niveau personnel et le reste, l'environnement, A l'âge secondaire on confond volontiers le niveau culturel qui est le champ de maîtrise courant avec l'universel et on y subordonne le niveau personnel.

Il n'y a qu'à l'âge du Sens que les trois niveaux sont appréhendés depuis la même problématique à la fois personnelle, culturelle et universelle si bien que l'action menée à un niveau a clairement une portée aux deux autres.

Une action menée au niveau culturel sous la gouverne du Sens du bien commun retentit sur les personnes dans la même problématique si tant est qu'elles consentent à travailler pour la poursuite du bien commun. Une action menée au niveau personnel peut développer une maîtrise qui pourra s'exercer au niveau culturel et servir le bien commun. Une action menée à l'un ou l'autre niveau enrichi la connaissance, la réalisation et la révélation de l'humanité universelle. Enfin une action portant sur l'universel retentit sur les communautés et les personnes concernées par la même problématique.

Tout cela s'expérimente communément dans la pratique de l'humanisme méthodologique. Ces considérations débouchent sur deux perspectives:

L'une est celle de la différenciation des niveaux de réalité pour l'action. Il y a lieu de choisir à chaque fois ce qui relève de l'action personnelle, de l'action communautaire ou culturelle et de l'action universelle. Entreprendre l'une n'exclue pas les autres mais réclame de les hiérarchiser selon les possibilités. Pour traiter un problème particulier va-t-on créer une solution universelle? Non en général. Cependant toute solution particulière peut être portée à l'universel. Il importe donc à la fois de bien situer le niveau d'approche de la problématique et de l'action et en même temps de considérer toujours les perspectives aux autres niveaux.

L'autre perspective est celle d'une requalification des actions individuelles et collectives en actions à visées personnelles, à visées communautaires et culturelles, à visées universelles.

On conçoit que des projets, des institutions mais aussi des enjeux et des méthodes soient établis spécifiquement.

Cela permettrait notamment de sortir soit de l'enfermement du niveau personnel par le niveau communautaire et le niveau universel (aliénation, dépersonnalisation) ou bien de l'enfermement du communautaire et de l'universel dans le jeu des relations et conventions interindividuelles ou intercommunautaires (démocratie démagogique).

En outre il faudrait cesser l'exclusion des niveaux, en prétendant que la science par exemple n'a qu'un caractère universel parce que l'on se masque les niveaux culturels et personnels pourtant bien présents. C'est le cas lorsque le communautaire et l'universel sont ramenés et réduits à l'individuel ou lorsque le communautaire par le biais de lois et d'institutions prétend se substituer au personnel sinon à y réduire aussi l'universel.

Dans la réactualisation des niveaux, niveaux de maîtrise, niveaux de compréhension, niveaux de service, l'appréhension de l'articulation différenciée des niveaux de réalité est d'un apport pratique considérable.

4) Un schéma simplifié pour l'action: Les opérateurs symboliquement structurants

Le monde qui nous entoure est fait d'objets dont on se sert à un titre ou un autre, de mises en situation: jeux, musique, moments organisés, d'habitudes que nous reproduisons ou dont nous changeons, de rituels qui structurent notre vie quotidienne, sociale, professionnelle, de lieux organisés, aménagés, dédiés que nous fréquentons, de cérémonies, d'institutions, d'idées et de représentations que nous créons, constituons et reproduisons. Il est fait aussi d'individus que nous fréquentons selon les circonstances, de comportements, d'usages, de discours, de scènes, de procédés. Or tout cela sert soit à conforter un consensus et réactualiser notre réalité soit à en changer pour actualiser une autre réalité.

Par exemple nos distractions nous font changer d'univers, notre environnement familier nous conforte et réconforte dans une identité existentielle. Tel outil nous permet de transformer les choses, telle cérémonie sacramentelle nous inscrit dans un champ symbolique nouveau, telle pratique nous fait évoluer ou transforme notre réalité. Telle lecture nous change les idées ou telle épreuve nous amène à une autre compétence.

De cela nous retiendrons que nous utilisons "des opérateurs symboliquement structurants":

- Opérateurs de confortation qui nous aident à stabiliser un consensus et une position dans une problématique humaine,

- Opérateurs de changement qui activent un certain consensus sur une position de Sens.

Ces opérateurs de confortation ou de changement peuvent favoriser les Sens qui ne sont pas les meilleurs et nous sommes d'ailleurs sans cesse entraînés dans telle ou telle Cohérence (problématique) dans tel ou tel Sens si nous n'y prenons pas garde ou plutôt si aucune maîtrise n'intervient dans le choix des opérateurs, la notre ou celle de quelqu'un d'autre. Si nous nous plaçons dans l'optique de l'action de l'humanisme méthodologique alors nous pouvons utiliser ce phénomène en construisant des opérateurs de changement pour servir le Sens de l'accomplissement ou du bien commun dans le traitement des affaires humaines personnelles, culturelles, universelles. Nous pouvons aussi nous servir d'opérateurs de confortation pour consolider et développer un consensus satisfaisant, ou encore fragile à la suite d'un changement.

En fait ces opérateurs seront dit symboliquement structurants parce qu'ils activent un Sens dans une Cohérence et actualisent des situations, des réalités, des solutions, des réalisations de même Sens. Ce sont des opérateurs de résolution de problèmes et d'accomplissement, d'engagement dans le Sens du bien commun.

Ainsi on peut considérer une méthode pour l'action consistant à construire un opérateur symboliquement structurant de façon à ce qu'il active le consensus souhaité et qu'il entraîne ainsi les réalisations attendues, les dynamiques et les implications voulues.

Comment faire cela. La méthode est simple:

- repérer la Cohérence et le Sens souhaité (centration, analyse de cohérence ou analyse figurative, orientation),

- construire l'opérateur symboliquement structurant: un objet, un événement, un lieu, une scène, un discours, un projet, une méthode, une cérémonie, une organisation, une vision, un aménagement, une oeuvre... La méthode de créativité générative permettra de l'adapter à une situation donnée pour qu'il y soit recevable,

- favoriser l'implication des personnes autour de cet opérateur pour favoriser activations et consensus et actualisation de confortations. On mettra en oeuvre pour cela un processus d'appropriation, homologue à l'opérateur.

Dans sa simplicité cette méthode touche à l'ensemble des actions humaines modestes ou étendues, simples ou complexes. Elle peut d'ailleurs servir à interpréter des méthodes déjà pratiquées et à comprendre ce à quoi nous passons notre existence personnelle et communautaire.

Elle servira aussi de guide pour l'action à tout moment. Elle exige cependant un bon niveau de maîtrise de l'ingénierie humaine, du moins pour concevoir les opérateurs et le processus d'appropriation.

A lire

Analyse des situations

Les études de cohérences

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