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CHAPITRE III - LES ENJEUX DE L'EXISTENCE POUR L'HUMANISME METHODOLOGIQUE
Trois d'entre eux sont à considérer pour le caractère novateur des éclairages et des propositions : Le connaître, l'agir et le grandir.
On ne peut totalement les dissocier parce que chacun sert les autres et qu'ils sont issus de la même nature humaine.
Le grandir, c'est la question qui n'était réservée qu'aux premiers âges, enfance, jeunesse alors que c'est la question primordiale de toute existence qui se veut humaine. Développement et accomplissement sont des enjeux personnels mais aussi communautaires sinon universels. Toute l'existence et ce qui l'occupe peut y être vouée autrement dit toutes les situations et les affaires humaines trouvent à se justifier dans l'occasion de grandir qu'elles offrent. Y est associée bien évidemment la question du Sens de l'existence et celle des "conversions de Sens" nécessaires au grandir.
Le connaître, c'est d'une part la question de la conscience et de ses différents modes, la question de la science et ses différentes approches, la question de l'intelligence symbolique, accès au Sens ou discernement.
L'agir, c'est intervenir dans la réalité, à différentes échelles d'envergure, impliquant des conSensus de proximité ou de plus grande ampleur. C'est la question des modes d'actions, pratiques et techniques, celle des méthodes et stratégies, celle des processus d'appropriation, ou travail sur les conSensus et enfin celle de la maîtrise qui, pour la plus avancée, repose sur le discernement des Sens.
1) Le grandir
Il est assez couramment admis (mais pas toujours) que les enfants doivent être éduqués pour devenir adultes, que c'est important pour leur vie d'homme que d'évoluer vers des capacités de comportements, des capacités sociales, qui prennent leur premier visage dans l'émerveillement de voir grandir les tout petits. Manger, tenir dans ses mains, marcher, parler, raisonner font partie de ce que l'on voit visiblement se transformer dans un Sens de progrès, non sans moments difficiles. On sait qu'il s'agit alors de régressions auxquelles le petit d'homme doit renoncer pour discipliner sa façon d'exister et s'ouvrir ainsi tous les champs d'une existence réussie.
Bien sûr on sait aussi les échecs et par eux que ce grandir ne va pas de soi, qu'il n'est possible que grâce à la présence attentive d'autres personnes, mères, parents, tuteurs, autres enfants... On sait aussi que les conceptions de l'éducation ne sont pas toutes les mêmes sans qu'elles soient en général clairement identifiées.
Cela étant il est beaucoup moins fréquent de considérer que le grandir est l'enjeu de toute l'existence, nous dirons même qu'elle est faite pour cela. Si le Sens de l'existence choisi est celui de l'accomplissement humain alors le grandir et le faire grandir sont la justification de toutes les activités et les organisations humaines à toutes les échelles. Si d'autres Sens humains sont choisis alors le grandir a d'autres buts qui ne seront pas l'accomplissement humain mais en général des bénéfices relevant d'un aspect particulier de l'existence (affectif, corporel, mental).
C'est là un des points majeurs de l'humanisme méthodologique.
Toute activité, toute organisation, toute situation, quelles qu'elles soient, peuvent être considérées toujours comme une occasion de grandir et faire grandir, humainement parlant, et toute responsabilité se justifie uniquement par rapport à cet enjeu.
Ensuite une question se pose. Quelles sont les phases et les étapes du grandir humain, en quoi consistent-elles, que visent-elles, comment procède se grandir? C'est ce que nous allons parcourir.
Au préalable il nous faut ouvrir deux perspectives.
L'une qui consiste à lier la nature et les degrés du grandir non pas à quelque échelle extérieure mais à ce qu'est l'homme, personne et individu, vivant en communautés dans des mondes de conSensus. C'est là que nous trouverons aussi les clés de l'historicisation du grandir humain en corrélation avec les âges de la vie.
L'autre perspective est celle qui permet d'envisager la question du grandir pour toutes les réalités humaines et plus particulièrement les communautés, groupes, sociétés, organisations, institutions, projets, réalisations qui ont aussi à grandir, humainement parlant.
Enfin attendons nous à rencontrer la question de l'achèvement de l'existence sur la trajectoire du grandir.
Une découverte importante de l'anthropologie fondamentale de l'Humanisme Méthodologique est celle de l'historicisation du déploiement existentiel (cohérenciel), celui de la réalité individuelle comme de toute réalité communautaire.
Elle nous montre que si l'existence a une dimension historique, que si elle s'inscrit dans une temporalité, c'est le Sens (en consensus) qui lui confère cette temporalité ainsi que toutes les facettes de son déploiement.
On peut considérer les facettes de l'existence de façon synchronique comme nous l'avons fait précédemment. On peut les considérer de façon diachronique.
De cette façon s'établit une succession dans le déploiement de cette "réalité réalisée" qu'est l'existence, mais aussi toute expérience existentielle, toute réalité commune.
COHERENCIEL DE L'ÉVOLUTION HUMAINE
11) L'âge archaïque, celui des affects
Au commencement de l'existence propre d'une personne, il n'y a pas d'avant en ce qui la concerne bien qu'il y ait un avant pour la communauté (et le couple) d'où elle émerge. Il y a en fait un commencement d'expérience.
Ce commencement d'expérience est de l'ordre du vécu, ressenti, il est essentiellement affect. C'est donc là toute la réalité "pour la personne" d'une existence en gestation dont elle ne sépare pas encore le soi et le non soi. Ce vécu prénatal est le premier acquis d'expérience et de réalité, de soi et du monde indissociés. C'est le domaine de l'archaïque c'est-à-dire à la fois les bases structurantes de l'expérience, réalité et existence individuelle de la personne et à la fois un enjeu de régression lorsque les affects sont posés comme visée majeure de l'existence ou bien comme refuge de l'exister, leur donnant ainsi suprématie sur d'autres dimensions.
Il faut savoir qu'à ce "niveau de conscience" nous sommes dans le confusionnel, dans l'immédiat, dans la toute puissance, la toute impuissance, la non distinction, la non distance, le bonheur et le malheur.
Nous soulignons fortement ici que nous nous plaçons du point de vue de la personne en situation de grandir et non en observateur extérieur fusse-t-il équipé de moyens échographiques.
12) La naissance, venue au monde des autres. La naissance est un moment de passage où s'éprouve une séparation, quelque fois cataclysmique. Il n'y a plus cette fusion d'avant et dorénavant l'immédiateté des affects (affectations) se produit par moments distincts. Est toujours présent l'expérience des affects mais elle est interrompue et renouvelée par intervention d'un tiers (mère, autres...). L'expérience de la séparation et du manque commence mais aussi celle d'un début de distinction du soi et du non soi au travers duquel se joue le renouvellement des affects.
13) L'enfance, stade primaire d'évolution. Toute l'enfance sera le temps de l'expérience factuelle, apprentissage des gestes, des comportements, des signaux et de leurs effets. Le temps du mime mais aussi de l'expérimentation (toucher à tout). Ce temps est aussi celui de l'apprentissage de situations, de comportements, d'interactions, d'effets nouveaux avec leurs bénéfices et leurs difficultés mais aussi avec la présence des affects s'associant au "faire" soit pour s'y investir (attentes maternelles par exemple), soit au contraire pour tenter d'en revenir au temps du non manque, de l'immédiat et de la toute puissance. La tyrannie des enfants se nourrit de cette tendance régressive.
On trouvera là le premier grand enjeu de conversion de Sens. L'enfance est l'âge qui au travers des apprentissages et grâce à ceux qui en proposent le consensus, s'acquière la capacité de se tenir dans un Sens de progression plutôt que de régression.
L'enfance n'est donc pas seulement le temps des apprentissages factuels, elle est celui d'une première maîtrise du choix d'un Sens de l'élévation, de la progression, du grandir plutôt que celui de la régression.
Encore faut-il que ne soit pas encouragé (conSensus) le Sens de la régression au lieu de celui de la progression. Les résultats seront catastrophiques pour la suite. Cela suppose aussi que les parents ou éducateurs aient cette exigence mais aussi en aient une maîtrise suffisante.
Éduquer les éducateurs, aider les parents, les mères à tenir cette position en eux mêmes permettra qu'ils aident les enfants à grandir plutôt que régresser (un des penchants originels).
L'âge factuel n'élimine pas le niveau affectif de conscience mais se le subordonne. C'est une première discipline que beaucoup d'hommes n'ont pas acquis et aussi beaucoup de communautés humaines qui, au stade primaire, sont restées fixées sur l'archaïque qui les gouverne. On les retrouve quelque fois dans un Sens de la possession faisant de l'archaïque l'essentiel et du factuel le moyen. (intégrismes, etc.)
14) Le seuil de l'adolescence et de la raison. C'est un seuil de passage où se pose la question de la place de l'individu dans la société.
Il y a là ainsi difficulté à quitter le "monde de l'enfance", c'est-à-dire le monde commun expérimenté, factuellement et affectivement repéré pour entrer dans un monde de représentations, d'identités, de statuts, de fonctions où le rapport à la société et aux enjeux sociaux de l'existence devient la question essentielle alors qu'il en manque l'expérience.
Évidemment une enfance bien assumée sur le plan du grandir - progression, facilitera le passage. Dans le cas contraire ce sont les régressions qui vont dominer (effets de bandes, création d'effets de confusion, expériences affectives massives et envahissantes, de répulsions, tant vis-à-vis de la perspective de grandir (épreuve du manque) que ce qui rappelle une enfance protégée (épreuve de l'empiétement).
Les parents sont eux-mêmes mis aux prises avec ces contradictions et c'est leur tenue qui peut aider les adolescents à accomplir le passage (grandement préparé par une enfance éduquée).
La carte de Cohérence des logiques de situations et de relations éclaire le carrefour auxquels les hommes se trouvent confrontées à ce seuil.
15) L'âge des représentations et de la raison
Nouveau plan de l'expérience, l'expérience mentale mais aussi nouveau champ de la réalité, celle des représentations de tous ordres et notamment de la représentation de soi parmi les autres au milieu des modèles, des signes, des statuts, des fonctions.
La maîtrise des représentations est l'enjeu de cet âge. Capacité de se représenter le monde et les choses, de situer l'expérience factuelle à courte vue (court terme) en rapport avec des enjeux plus lointains (moyen terme). Cette capacité de rationalisation portant sur des représentations de plus en plus vastes et complexes est, on le verra, une capacité stratégique, un niveau de maîtrise dont l'exercice se fait sur le plan mental mais qui porte sur la réalité d'expérience affective et factuelle aussi bien. Seulement les enjeux en termes de représentation et la capacité de maîtriser les autres dimensions de cette manière constituent un plus haut niveau de maîtrise, par exemple celui de professionnels, de fonctions d'encadrement, etc.
Différents problèmes sont inhérents à cet âge des représentations. D'abord l'idéologie rationaliste qui a fait de ce champ d'expérience l'essentiel de la réalité et de l'abstraction la base des choses. De ce fait un auto développement des représentations a pris le pas sur la maîtrise des réalités, aussi bien factuelles qu'affectives opérant un clivage que nos élites ne peuvent reconnaître et pour cause. Cela obère surtout le passage du seuil suivant.
L'autre problème est celui de l'enjeu de conversion de cet âge des représentations. Ou bien il est consacré à une logique spéculative (de type narcissique par exemple) consistant à jouer à l'infini sur les représentations. L'individualisme en est le principal vecteur. Ou bien cet âge est consacré à l'inverse à l'intégration des représentations, représentations du monde et représentation de soi, participant au monde et non pas en face à face. Auquel cas cela prépare à la poursuite du grandir. Nous verrons un peu plus tard à quelle crise des représentations nous sommes aujourd'hui confrontés.
16) Le seuil de maturescence
Une personne, une civilisation ne peuvent pas penser un niveau de conscience qui dépasse le leur. Aussi l'âge de maturescence est-il encore peu repéré. Cependant les signaux des crises qui accompagnent ce seuil sont déjà là mais pas toujours bien interprétés.
Le seuil de maturescence est celui du passage portant sur la question du sujet, de l'intentionnalité, de la liberté et l'autonomie, au-delà des représentations cette fois. A ce seuil se pose la question d'une vocation personnelle vis-à-vis de la communauté, et du monde lui même.
En tout cas c'est à ce stade qu'elle peut être véritablement assumée si on a pu au stade précédent faire de sa place dans le monde autre chose qu'une place face au monde, c'est-à-dire résoudre la question de l'individualisme, enjeu de cette précédente phase. Sinon il ne serait pas possible d'assumer le passage à un stade où l'individualité, l'existence individuelle se reconnaît à la fois dans son unicité (solitude ontologique) et à se voir vouée au bien commun. C'est donc là aussi le seuil de maîtrise d'une responsabilité personnelle.
17) Le stade des engagements communautaires, l'âge du Sens.
Ce nouveau stade semble venir se superposer à l'âge archaïque ou stade archaïque de développement.
En fait chaque stade d'évolution, de niveau de conscience et de maîtrise intègre les précédents, s'il est engagé dans le bon Sens.
Ici, c'est l'intégralité de l'expérience humaine qui est en jeu et en même temps dépassée. Elle ne peut être dépassée que si la maîtrise porte sur l'au-delà de l'expérience qui est aussi son fondement c'est-à-dire le Sens en conSensus. C'est pour cela que se retrouve à ce stade intimement mêlés les enjeux personnels (Sens) et communautaires (conSensus) comme clés de maîtrise.
C'est à ce stade là que s'accomplit véritablement la maîtrise de son humanité et où la question du soi et du non soi trouve autrement une réponse inattendue. Le Soi profond, Instance de Sens, est ce qui relie le plus intimement aux autres par les ConSensus tout en étant le siège de notre unicité et notre altérité radicale. En même temps se découvre que toute l'existence individuelle appartient à l'expérience commune par les ConSensus communautaires donc à l'existence commune. Nous n'existons individuellement que dans la dépendance du monde commun, donc des autres alors que nous avons la liberté et la possibilité de travailler sur le ConSensus à la source même de ce monde commun.
C'est donc là que peut s'établir une responsabilité communautaire et une maîtrise humaine qui sert les autres en s'exerçant. Comme toute phase de développement et d'accomplissement elle a un enjeu de conversion. C'est celui de la reconnaissance de l'être en soi et en l'autre (Être Sens - Instance) et de la contingence de l'existence, au lieu de l'inverse.
Y-a-t-il d'autres seuils d'évolution humaine, d'autres phases. Probablement. Nous pourrions dire que les trois premières phases : âge archaïque, âge du faire, âge des représentations, construisent peu à peu, en conscience et en réalité, l'existence individuelle et collective. Cela constitue le cycle du développement.
Les trois phases qui aboutissent à l'âge du Sens avec l'âge des représentations et l'âge du faire constituent un cycle d'accomplissement atteignant au-delà de l'existentiel, en la clé du Sens et de l'être qui éclaire et engage le Sens de l'existence comme étant celui du bien commun?
On peut encore penser l'au-delà où l'engagement existentiel n'a plus à se faire mais à se défaire. Y-a-t-il un âge du dé-faire, un âge du dé-penser (ou dé-parler comme disent certains), un âge du dé-affecté? Certainement! Ce sont les phases d'achèvement de l'existence dont le grandir se joue dans l'Instance au-delà des espaces temps existentiels et de la mort qui consiste à les quitter.
Évolution humaine et niveaux de maîtrise culturelle
La culture du Sens de l'accomplissement se traduit par une trajectoire d'évolution existentielle caractérisée par des phases et des seuils que nous avons décrit sommairement.
Dans chaque problématique humaine, il y a un meilleur Sens, un Sens d'accomplissement dont la culture se traduit aussi par une évolution selon les mêmes phases et seuils. Les contenus en changent alors évidemment. On peut en conclure deux choses.
D'abord toute situation, toute réalité d'expérience peut être envisagée comme en évolution selon ce même processus.
De ce fait toute situation, toute organisation se retrouve engagée dans ce type d'évolution. On peut alors parler des phases archaïques, primaires ou factuelles, secondaires à l'âge de la maîtrise des représentations, tertiaires à l'âge du Sens avec les seuils de passage entre les phases. Ces degrés de maturité ont une grande importance pour comprendre le niveau de conscience et de maîtrise et donc d'appréhension du monde et des choses, les conditions d'évolution en fonction du niveau de maturité. Enfin on voit apparaître une hiérarchie des niveaux de maturité qui justifie toute hiérarchie humaine qui ne vaut que par le niveau de service, c'est-à-dire de contribution au processus d'accomplissement.
Toute autre hiérarchie fondées sur un facteur quelconque des composantes de l'existence est significative d'un autre Sens qui toujours distrait l'homme de son accomplissement.
Responsabilité, éducation, parentalité, autorités diverses, politique, cadre, chef d'entreprise, professionnels, partout la question se pose ainsi et l'humanisme méthodologique invite à une refondation de toute hiérarchie, niveau d'autorité et de responsabilité, de compétence ou de professionnalisme.
On peut dire d'ailleurs que tout milieu engagé dans un Sens génère son échelle hiérarchique et, on le verra, son échelle de valeurs.
De ce fait dans des périodes terribles se sont souvent les pires qui sont invités à tenir des positions d'autorité. Dans des périodes plus conventionnelles comme la nôtre il en va de même et il n'est pas sans signification que des élites, expertes en formalismes et conformismes, tiennent le haut du pavé barrant le passage à une évolution qui entraîne au-delà du champ des représentations.
Venons-en à un aspect important de la question de l'évolution, c'est celle des communautés humaines.
Chaque communauté est appelée on l'a vu à "cultiver" son meilleur Sens devenant le Sens du bien commun. Cela définit la culture sous son meilleur angle sachant que l'on peut aussi appeler culture ce qui ressort d'autres Sens qui distraient de l'accomplissement humain.
Dès lors si on reste dans la perspective du Sens du bien commun alors on peut considérer que toute activité communautaire, politique, développement, éducation, institution, etc. a pour seul but de contribuer à l'évolution des hommes et de la communauté.
On peut facilement considérer en effet que les communautés humaines traversent les différents âges et les différents seuils d'évolution.
En même temps c'est le niveau de conscience du fait communautaire et de réalisation du monde qui va avec qui est en question.
Les communautés archaïques se vivent sous le mode de l'appartenance fusionnelle (un seul corps) et de l'exclusion de toute altérité. Racismes, clans, tribus, groupes fermés, vivant sous l'emprise émotionnelle et le maniement des affects sont de ce niveau. Malheureusement on doit bien constater que beaucoup oeuvrent pour ramener la société à ce stade archaïque à la fois dénoncé et promu.
Les communautés primaires ou factuelles sont construites autour de l'organisation utilitaire des conditions de vie, de production, d'habitation. Le confort et la sécurité en sont les horizons. Il est naturel que les communautés humaines passent par ce stade mais regrettable que certaines régressent en se donnant ces seuls objectifs comme justification.
La culture du faire, du concret est en soi légitime comme phase d'évolution. La fixation des enjeux communautaires principaux à ce stade ne l'est pas dans un monde supposé évolué..
On observe que de nombreuses organisations (de production notamment) jouent ce rôle régressif plaçant l'économie à court terme (court termisme) au centre des préoccupations et en viennent quelques fois à une économie de la prédation et du pillage, archaïque donc.
Les communautés secondaires maîtrisent les représentations dans une certaine mesure. Elle s'identifie par un imaginaire collectif, des signes, des structures, des modèles, des cadres juridiques, administratifs, institutionnels, des représentations du monde, scientifique, artistique, des visions, des projets, des plans. Tout cela, on le voit, correspond au niveau de civilisation, au niveau culturel de nos sociétés modernes en référence à ce qu'il en a été déjà dans l'antiquité.
Cependant le seuil d'adolescence n'est pas franchi toujours avec bonheur ni également si bien que des pans entiers des communautés humaines n'arrivent pas à ce stade alors que d'autres le fond plus aisément. Là où le Sens du bien commun n'est pas repéré, affiché, cultivé il est probable qu'en arriver à ce stade sera difficile ou réservé à quelques uns.
Les communautés sont enfin appelées à une autre phase de développement et à se reconnaître comme communautés de Sens. Précédemment ce sont les représentations qui identifient et "expliquent" la communauté, le lien social. A ce stade les communautés se reconnaissent comme communautés de Sens et c'est pour cela que la question du Sens du bien commun peut commencer à se poser.
Nous voyons là que même si l'humanisme méthodologique rend compte d'autres Sens et d'autres niveaux d'évolution, il prend tout son intérêt à un âge du Sens, âge des communautés de Sens où la question du Sens est devenu fondamentale, première, essentielle. Il est donc proposé comme le premier instrument conceptuel et méthodologique d'un âge du Sens pour toutes communautés qui s'en approchent et s'y engagent, pour notre civilisation planétaire qui en a engagé la mutation inaugurale et pour tous ceux qui ont un rôle à jouer pour y contribuer.
Pour illustrer : les âges de la vie
La mutation de civilisation
Nous sommes entrés dans une ère nouvelle qui se caractérise par le franchissement d'un seuil de maturescence.
L'a précédée une ère des représentations dont toutes nos structures, nos modèles, nos élites sont issus. Une crise majeure des représentations est en cours dont il faut bien comprendre la nature et l'issue.
L'issue c'est le passage, le seuil de maturescence (hominescence dit Michel Serres). Le moment où la dimension intentionnelle de l'expérience de l'existence est en question, instaurant une crise de Sens. L'issue de celle-ci est évidemment le début d'une maîtrise du Sens, fondateur du sujet, lieu de toute liberté et de toute maîtrise véritable.
Nous allons examiner ce que sont ces deux crises, salutaires si on en trouve l'issue favorable.
La crise des représentations
La France a pris une position avancée à l'âge des représentations notamment pour l'émergence de l'individualité, confondue souvent avec une "libération" signe, plutôt, d'une crise d'adolescence.
La révolution française n'a pas débouché sur une voie de liberté humaine mais sur l'ordre Napoléonien et aussi l'emprise impérieuse de l'ordre des représentations rationnelles. Victoire du rationalisme, elle n'a pas été toujours une victoire de l'homme. En particulier la déification de la Raison, la sacralisation de représentations idéalisées ont voulu donner à celles-ci un caractère universel. C'est pour cela que ce pays est entré maintenant pour une part en résistance contre l'évolution humaine mondiale, la mutation d'entrée dans l'âge du Sens. Sous prétexte de s'opposer, à juste titre, à des régressions, c'est toute progression humaine qui est rejetée. De ce fait la crise des représentations y est plus forte mais la mutation de l'humanité l'emportera.
La crise des représentations c'est par exemple la crispation sur les représentations anciennes. On n'a jamais autant entendu sacralisées les références idéologiques des siècles précédents et aussi bientôt des modèles de sociétés et de comportement.
La crise des représentations dans un autre Sens, c'est la fuite en avant avec l'équation : multiplication des représentations / disqualification des représentations. Prolifération et vanité des signes et des images, cynisme de la vanité des représentations (lois, modèles, sciences...).
La crise des représentations, c'est aussi la régression vers des âges antérieurs, le primat du factuel, du concret, du court terme, de l'utilitaire d'abord, puis l'engagement dans la voie de la domination émotionnelle avec les fantasmes de toute puissance, le confusionnel et la manipulation experte de l'émotion publique dans le seul but de disqualifier "la voix de la Raison" et toute autorité. Cela fait le lit des populismes qui s'en nourrissent avidement (communautés archaïques d'extrême droite et d'extrême gauche, intégrismes religieux ou rationalistes, etc...).
La crise des représentations débouche aussi sur une issue découvrant que les représentations ne sont pas le Sens mais le véhiculent, que la lettre n'est pas l'esprit.
L'idée de démocratie n'est pas le Sens de la démocratie on le voit bien. Dans tous les domaines où nous avons jalonné le progrès humains de modèles, d'idées, de références, à juste titre en son temps, il nous faut en réinterroger le Sens, l'essentiel donc.
Ce faisant on s'aperçoit de deux choses. Il y a de nombreux Sens qui nous sollicitent et que nous devrions discerner pour choisir et que ce choix est personnel, puis par voie de responsabilité, il implique toute la communauté avec la question du Sens du bien commun.
L'autre chose à découvrir est que le Sens est véhiculé par tous les plans de l'expérience et donc de la réalité.
L'émotion, le factuel, les représentations véhiculent le Sens ensemble. Cela donne aux représentations un rôle particulier mais pas exclusif. Un rôle de plus grande maîtrise par rapport aux composantes précédentes mais au service du Sens. Le langage en est un moyen privilégié.
En particulier nous devons considérer que la raison sert le Sens, ordonne les choses dans un Sens. Seulement cela peut être le pire ou le meilleur et, contrairement à la pensée de Kant nous ne pouvons dire que la Raison est par elle même le critère du "bon" Sens ("Comment s'orienter dans la pensée" d'Emmanuel Kant). La raison reste une vertu dès lors qu'elle sert le Sens de l'accomplissement ou du bien commun.
On ne peut pas dire que la raison technique d'organisation terroriste, ou la raison instrumentale des puissances économiques ou la raison du plus fort de quelques puissances politiques soient justifiées par la seule raison, alors que le rationalisme en permet l'argument malgré ses dénégations et conformément à toute l'expérience des siècles précédents.
La crise de Sens,
C'est l'issue de la crise des représentations. Un de ses aspects c'est la remise en question des communautés de pensée, des conceptions du monde et de l'homme en vigueur précédemment. Une lecture de la crise de Sens est la suivante.
La dialectique du Sens de la possession et du rationalisme idéaliste a dominé les siècles précédents avec leurs arguments fondateurs. L'opposition de la passion et de la raison, du pouvoir d'emprise et de la raison idéale a occupé les esprits et la crise des représentations en donne de curieux mélanges: technocraties, intégrisme rationaliste, puissances technologiques militaires ou économiques...
Ces deux Sens, toujours à l'oeuvre, sont de plus en plus supplantés par deux autres "nouveaux paradigmes".
L'un l'antihumanisme radical de plus en plus largement répandu dénie toute nature humaine et fait dériver les affaires humaines de la "nature des choses". L'autre, dont la position est inverse, est représentée notamment par l'humanisme méthodologique et radical.
La position de l'humanisme méthodologique ici développée est celle d'une issue à la crise de Sens capable de relier les affaires humaines existentielles à la question du Sens de l'existence et aussi de l'origine et la fin de l'humanité de l'homme (question évacuée si on nie cette humanité malgré les prothèses que certains tenteraient de greffer sur ce néant d'être avec un supposé humanisme pratique reposant sur un antihumaniste théorique).
La mutation actuellement engagée ne vit pas la crise des représentations ou du Sens uniquement sur le monde du trouble. Il y a aussi déjà une image laboratoire d'expérimentation avec la création du cyberspace, ce monde virtuel, cette "réalité augmentée" qui montre bien, à qui consent à le considérer, comment le réel est humain et le virtuel sa réalisation.
L'étymologie de virtuel WIR renvoie bien aux questions intentionnelles (aspirations, autonomie, maîtrise) avec les termes de vertu, valeur, virtuose notamment qui s'y rapportent. Le virtuel est la chair de l'homme dit Michel Serres a juste titre, mais la chair de l'homme c'est l'incarnation du Sens en consensus, la réalité existentielle avec toutes ses dimensions.
Voilà donc l'actualité du grandir à l'échelle de l'humanité (universelle) mais aussi à l'échelle communautaire, culturelle et personnelle.
Il est bien évident que si le monde va dans ce Sens d'accomplissement, condition pour qu'il en gravisse les degrés, constitution de l'humanité elle même, cela n'exclue aucun des autres Sens et encore moins les régressions. En outre un niveau d'évolution avancé dans telle problématique humaine (conSensus, situation) ne dit rien des niveaux d'évolution dans d'autres problématiques que nous portons en nous.
Cela nous engage à une certaine prudence quant à à la tentation de glorification de la maîtrise personnelle ou communautaire avec en plus l'humilité que réclame et confère la maîtrise quant à la limite notamment de sa participation au conSensus des autres, nombreux, et aussi à l'enjeu de l'exercice de la maîtrise qui est le service des autres dans le Sens du bien commun.
Ci-dessous les liens avec différents textes pour illustrer les crises que nous traversons, les émergences de l'âge du Sens et la mutation de notre époque:
Paradigme! Vous avez-dit nouveau paradigme?
Le temps des communautés virtuelles
Le temps du virtuel aux portes de la cite intérieure
Pourquoi l'âge du virtuel est-il l'âge d'homme ?
La mutation et après, naissance d'un monde à visage humain
2) Le connaître
Avec la crise des représentations et la mutation apparaît une crise de la science au travers de différents symptômes, désaffection dans les universités, éclatement des paradigmes, maniement ambigu des références au scientifique. Cette crise est aussi le signe de l'émergence d'une nouvelle façon d'aborder la connaissance humaine et le fruit de la connaissance: la réalisation du monde.
Dans la vie quotidienne comprendre, analyser, dans la vie professionnelle aussi analyser et comprendre les situations, les phénomènes c'est indispensable pour se situer, faire des choix, s'orienter, se diriger et diriger.
Or avec la crise du Sens et l'âge du Sens, la question du Sens des situations et de la conscience de Sens bouleverse et éclaire autrement les processus de connaissance antérieurs.
Nous allons examiner la question du connaître sous deux aspects.
- La conscience des réalités et les différents modes de conscience et de connaissance ainsi que les niveaux de réalité.
- La question de la conscience de Sens et le type de connaissance auquel elle conduit ainsi que la finalité de la connaissance dans le service du bien commun et de l'accomplissement humain.
La conscience des réalités et les modes de conscience et de connaissance, niveaux de réalités.
La réalité est réalisation dans l'expérience du conSensus entre les Instances. L'expérience du Sens est structurée selon le cohérenciel dont les dimensions et les composantes sont simultanément:
- celles de la conscience
- celles de l'expérience
- celles des réalités
- celles des processus de réalisation ou de connaissance.
D'un côté il n'y a que Sens, Instances, Consensus mais, d'un autre côté, existentiellement parlant, il n'y a que conscience, expérience, réalité. Seule une conscience des Sens peut conduire à éviter l'hypothèse que les réalités se produisent elles mêmes, ce qui est la thèse et le projet démonstratif d'une certaine conception de la science. C'est aussi l'hypothèse concrète qui conduit à chercher dans les réalités les causes des réalisations. L'humanisme méthodologique met cela en question en engageant le connaître dans le Sens de l'accomplissement humain sans ignorer la possibilité des autres voies mais aussi leurs conséquences humaines de déni de l'humanité.
Examinons dimensions et composantes de la réalité et de la conscience.
La dimension intentionnelle subjective. Elle correspond à un mode de conscience de type intuitif qui pénètre au coeur des choses pour en identifier la "quiddité", ce quelles sont en elles-mêmes, la force qui les porte à exister, à perdurer, à se tenir durablement et de façon déterminée.
L'hypothèse déterministe sur le plan scientifique y est ancrée. Le déterminisme est fondé dans cette expérience d'une persévérance dans l'être, spécifique des choses, qui donne l'impression qu'elles sont déterminées. De là l'expérience élémentaire du temps indissociable de cette persévérance de la détermination. Or l'expérience que nous avons de la détermination des choses n'est pas sans rapport avec celle de notre propre détermination intentionnelle. N'est-ce pas l'expérience d'une constance de disposition, de volonté, d'orientation qui d'ailleurs est celle de l'expérience du sujet. De là à considérer que la réalité est déterminée par quelque sujet quelque cause subjective il n'y a qu'un pas, celui qu'à franchi Newton par exemple.
L'humanisme méthodologique franchit aussi ce pas mais en disant que la tension intentionnelle est indispensable à tout processus de connaissance et confère à la réalité d'expérience cette dimension de détermination. Dit autrement il n'y a pas de réalité sans connaissance ni de connaissance sans sujet et l'intention du sujet connaissant conditionne cette connaissance, déjà dans cette dimension là. Faire abstraction du sujet comme condition scientifique est une aberration qui conduit à nier l'expérience de tous les créateurs et les découvreurs scientifiques qui en ont témoigné, le plus souvent dans le désert, du moins dans les communautés scientifiques.
Par contre une autre analyse pourra être faite en intégrant une distinction entre des niveaux de réalité:
- le niveau de proximité où la singularité du sujet et de la situation prédominent,
- le niveau culturel ou communautaire où prédomine les cadres de références communs dans lesquels s'inscrit toute connaissance partagée,
- le niveau universel où ce ne sont plus à des intentions seulement personnelles ou culturelles mais à des intentions universelles de l'humanité qu'il faut se référer, ce qui pourrait apparaître comme une abstraction du sujet personnel ou culturel, autre illusion d'optique ou de conscience à éviter.
La dimension attentionnelle ou objective
Cette dimension de l'expérience est celle de l'autre, des autres, sous le mode de la distinction, de la séparation. C'est le principe de toute multiplicité dans l'expérience, celle aussi de tout dénombrement. Cette dimension procède de l'alternativité d'une expérience de proximité et de distance. Non séparation - séparation.
De ce fait nous avons avec cette dimension de l'expérience l'émergence indissociable de la distance et de la distinction, distinction à la fois comme manque, soustraction et comme "en plus de quelque chose".
L'expérience de la distance, dans l'alternance avec la proximité, est fondatrice d'une expérience de l'espace, de l'émergence d'un "espace entre" simultanée d'une séparation. Au coeur de l'expérience alter-native (née dans le rapport aux autres du conSensus), de la distinction, co-extensive à la distance, "espace entre", se forge l'objectivation. Il faut bien voir que l'objectivation est un mouvement de séparation entre ce qui devient "des objets" et de distance prise entre soi objet émergent et le fond d'objets distingués. Cette expérience est fondatrice de la reconnaissance d'une multitude d'objets et d'un objet individu qui se découvre séparé ou plutôt se réalise séparé des autres.
Si l'on sait avec l'Humanisme Méthodologique que cette dimension de l'expérience de l'altérité dans le consensus est indissociable de cette du Sens en consensus, alors on voit que la conscience objective est indissociable de l'intention subjective à tel point qu'il n'y aurait pas d'identification objective de l'individu-soi sans que lui soit reconnue une persévérance, une détermination. C'est cette détermination même qui, par contre coup, donne aux objets objectivés une persévérance dans le temps alors que l'instantanéïté en annule tout simplement l'existence (l'expérience).
Inversement la détermination, persévérance dans le temps, ne pourrait s'expérimenter si elle n'était pas rapportée à un support de distinction objective, à un objet distinct et aussi sujet déterminé.
Rajoutons à ces considérations le fait que l'expérience de l'altérité (autres du consensus), donc aussi du processus alternatif de proximité - distance et par suite de distinction objective, est conditionné justement par les autres. A ce titre il est tout à fait compréhensible que l'on considère comme aléatoire l'expérience objective, aléatoire voulant dire ici déterminée par ailleurs (certains dirons par hasard ce qui n'apporte rien).
Il y a là de fortes incidences en ce qui concerne d'une part l'indissociabilité des dimensions subjectives et objectives, déterminantes et aléatoires, de toute réalité d'expérience humaine.
On pourrait alors au contraire oublier la dimension déterminante (sujet intentionnel) et vouloir une science "objective" entièrement fondée sur la négation du sujet remplacé par quelque substitut, il le faut bien, sans lequel il n'y aurait pas de durée donc de phénomène, ni de réalité.
On pourrait à l'inverse oublier la dimension aléatoire (objet attentionnel) et vouloir une connaissance déterminante dont il faut bien alors justifier l'auteur mais dont il y a difficulté à justifier la multiplicité.
Enfin on vit aussi là comment les fondements de l'expérience de l'espace-distance et du temps (tension persévérante) sont indissociables ce qui nous amènera à l'espace temps relativiste.
La dimension rationnelle ou projective
Troisième dimension de l'expérience elle résulte de l'intégration des deux autres. Elle se présente comme un "moment" d'existence, déploiement dans un temps et une historicité c'est-à-dire une durée, d'un ensemble de rapports ordonnés entre des objets distincts mais ainsi reliés.
Dans cette perspective chaque objet se connaît à la fois par distinction et par relation à d'autres selon une unité logique, une détermination d'ordre dans le temps. Dans cette dimension spécifique c'est d'ailleurs ces rapports d'ordre qui apparaissent comme structures dynamiques, processus de développement. Chaque objet se trouve ici expérimenté par l'ensemble des rapports avec des objets distants et l'ordonnancement de ces rapports selon une logique temporelle. En fait sur cette dimension stricte de l'expérience le "moment" identifié a un "volume existentiel" qui est le champ des rapports d'ordre et leur unité logique. L'extension spatio-temporelle comme champ des rapports d'ordre est ici la seule consistance de la réalité.
Elle s'y trouve "rationnelle", ce qui désigne ce qui a été exprimé précédemment, et aussi "projective" en cela que la temporalité (figure du Sens) ordonne à un mouvement de devenir (l'immobilité en étant un cas particulier).
On notera ici que tout moment existentiel détermine un espace temps propre sans commune mesure avec tout autre moment. Cependant il est possible dans un moment de reconnaître des objets en relation, objets qui peuvent être aussi expérimentés à leur tour comme moments propres.
On retrouvera là le problème des niveaux de réalité.
Le moment d'une expérience de proximité n'a pas de commune mesure avec le moment d'une expérience communautaire culturelle ni avec le moment d'une expérience universelle.
On ne peux donc intégrer dans un même moment ce qui relève des uns et des autres. Par contre on peut intégrer dans un même moment des objets qui relèveraient d'autres niveaux de réalité mais qui changent alors de niveau. Seuls le Sens et sa conscience peuvent transcender les niveaux.
Les rationalités universelles, culturelles, personnelles ne peuvent être articulées additivement ou par autres combinaisons. Elles sont autres.
La composante affective ou sensible
La conscience sensible est le vécu, l'éprouvé du conSensus ou encore l'affectation sujet-objet en tant qu'ils incarnent les deux dimensions fondamentales du consensus.
Le vécu affectif du consensus est aussi expérience de puissance-impuissance, inclusion-exclusion, confusion-négation.
Cette expérience favorise l'identification des réalités avec le vécu ressenti.
Chaud, froid, beau, laid, repoussant, attractif, etc. sont des qualités d'affects facilement attribuées aux choses alors qu'elles constituent ces choses dans l'expérience elle-même. Cette composante de toute expérience humaine, si elle n'est pas maîtrisée (immaturité) entraîne une sorte de connaissance qui doit tout à l'affect et à ses limites. L'opinion publique relève au fond de ce type de connaissance avec ses thèmes de puissance/impuissance, son maniement d'affects, et des vérités aussi stables que les vagues par grand vent mais récurrentes néanmoins.
Maîtrisée cette dimension affective, cette conscience affective permet de qualifier, d'apprécier, de nuancer et de construire d'autres dimensions de l'expérience et de la réalité.
Epurée cette dimension de la conscience dégagera du jeu des puissances des écarts de potentiels et des mouvements ondulatoires dont la fluctuation, l'ampleur et l'intensité font toute la qualité.
Ce champ de conscience est donc aussi bien celui des fantasmes grossiers que celui des subtilités sensibles en passant par les différents niveaux de maîtrise qui l'inscrivent dans une conscience plus élargie.
Ici la distinction des niveaux de réalité en dépend sachant que sur le seul plan affectif la confusion des niveaux est totale, perception personnelle égale vérité universelle.
La composante factuelle ou physique
L'expérience est ici celle d'une interaction physique, elle conjugue objectivité distinctive engagée en volumes existentiels, sous le mode des masses inertielles. Les choses se tiennent en résistance et réaction les unes aux autres, en mouvements relatifs d'éléments distincts.
L'expérience factuelle est celle des interactions entre les choses transformant les choses elles mêmes ou le champ de leur interaction. L'âge du faire exerce cette reconnaissance des choses sans voir ce que la conscience mentale permettra d'imaginer par la suite de modèles, de structures, de règles. L'expérience empirique du factuel nous donne une vision physique, matérielle du monde, une vision mécanique, éventuellement animée par quelque puissance dont la masse inertielle est en quelque sorte la présence équivalente.
Cette expérience factuelle nourrira cependant l'expérience mentale et la maîtrise des représentations avec la Raison.
La composante mentale ou intellectuelle.
Elle a pris une grande importance dans une civilisation de l'âge des représentations et singulièrement dans une culture qui a voulu en faire un fondement.
La conscience mentale est celle qui est à la fois prise pour la seule réalité et à la fois investie du soupçon de n'être qu'un jeu d'apparences.
Les représentations sont les formes de la réalité et c'est la maîtrise de ces formes au travers des modèles, formules, schémas, discours, structures qui occupent nos écoles, universités et institutions spécialisées dans les formalismes de tous ordres. Croisant la conscience intentionnelle et la conscience rationnelle, elle est le lieu des "projections" que sont les représentations sauf à se vouloir représentation de représentations dans les déviances que l'on a pu entrevoir. Nombre de questionnements philosophiques, scientifiques se sont enfermés dans cette réduction mentale stérilisant leur source qu'est l'expérience humaine à vouloir faire de son volet mental une abstraction. C'est le cas avec une certaine conception des mathématiques comme formalisme autonome, indépendant de l'homme et ses réalités d'expérience.
Il faut conclure ce panorama des dimensions et composantes de l'expérience, de la conscience, de la connaissance et de la réalité, par leur intégration. Peut-on envisager une telle intégration en conscience de toutes ces facettes, la réponse viendra avec le dépassement de la conscience mentale et avec un niveau de maîtrise qui suppose discernement des Sens en conSensus.
La conscience de Sens
Quelque soit la complexité de la réalité et de la conscience des réalités, il ne faut pas oublier qu'il s'agit toujours d'un acte de réalisation inconscient à partir du Sens en consensus.
Le "fond des choses", c'est le Sens. Dès lors l'accès au Sens des choses apporte à la conscience réalisatrice autre chose, comme une compréhension intime dont le lieu n'est autre que l'Instance. S'est-on suffisamment interrogé sur le fait que l'on puisse attendre une compréhension profonde des choses (de celles qui fondent la découverte scientifique ou l'oeuvre créatrice) par une investigation au coeur de soi-même?
Qu'y a-t-il au coeur de soi même sinon le Sens humain qui est le coeur des choses;
C'est dire que l'on peut ainsi chercher à discerner le Sens des choses en soi-même et, accédant à leur origine, s'en trouver éclairé sur ces choses là. Cet éclairage porte non seulement sur les Sens d'une problématique humaine sous-jascente mais aussi sur ce qui sous-tend chaque dimension de l'expérience ainsi que son intégralité.
Le discernement des Sens va nous éclairer sur la déclinaison intentionnelle de la réalité. Elle va nous éclairer sur l'objectivité significative. Elle va nous éclairer sur le Sens de la rationalité en jeu. Elle va nous éclairer sur le ressenti, le Sens de l'action, le Sens des représentations.
La conscience de Sens articule à la fois la conscience réalisatrice dont elle donne la clé explicative et à la fois une conscience révélatrice qui renvoie de l'expérience réalisée à son origine d'humanité, le Sens en Instance.
C'est par la conscience réalisatrice que nous "réalisons" le monde et c'est par la conscience révélatrice que nous y découvrons le soubassement d'humanité. En conséquence nous pouvons orienter notre "réalisation du monde" dans le Sens (accomplissement, bien commun) favorisant la conscience de Sens, révélatrice de l'humanité.
Reconnaître l'humanité dans sa présence transcendante au coeur de l'homme est l'enjeu final de toute connaissance réalisatrice qui réalise le monde de l'homme. Ce monde est tel que l'homme en porte la possibilité qui le constitue : l'humanité.
Nous verrons comment pratiquement peut être engagé un processus de conscience de Sens et comment c'est un moyen de maîtrise de la décision et de l'action.
Auparavant il faut insister à nouveau sur le fait que la conscience de Sens, dans une problématique humaine, est celle du Sens qui peut participer simultanément :
- d'un "consensus de proximité" et de situation proche : réalités individuelles, personnelles,
- d'un "consensus culturel" et de situations communautaires,
- d'un "consensus universel" et de situations universelles.
Les consensus sont différents et donc les niveaux de réalités différents et le Sens, lui, est commun. La conscience de Sens permet d'articuler les niveaux sans les confondre.
En fait en-deçà du niveau de maîtrise correspondant à l'accès au Sens (au coeur de soi) l'articulation des niveaux de réalité n'est pensable que dans une même hiérarchisation causale plaçant par exemple l'universel comme seule source des réalités culturelles et personnelles ou bien encore les réalités culturelles comme référence du personnel et de l'universel (conventions) ou encore le personnel comme critère d'extension au culturel et à l'universel. A l'âge du faire, il n'y a que deux niveaux : le concret de proximité et le reste lointain, abstrait. La conscience de Sens nous montre comment le personnel, le culturel, l'universel nous renvoient au même lieu, l'humanité en nous-même, nous situant indissociablement sur tous ces plans dans les affaires qui sont les nôtres.
En conclusion le connaître est le fait d'une disposition humaine, d'un Sens, d'une posture épistémologique.
Selon les Sens engageant le processus de connaissance alors c'est telle ou telle conception de la réalité, de la connaissance, des processus efficaces de l'homme dans le processus de connaissance qui prédomine.
Lorsque le Sens du processus de connaissance est un Sens d'accomplissement alors la connaissance se déploie comme réalisation selon les différents modes de conscience, dimensions et composantes de la réalité ainsi réalisée. dans les autres cas, c'est toujours à une réduction et une distorsion de la réalité que l'on aboutit. Il est d'ailleurs possible d'établir une certaine corrélation entre Sens et distorsion de la conscience et donc des réalités.
Le travail de connaissance contribue alors à la culture de ce bon Sens et instaure une échelle de niveaux (et de nature) de conscience des réalités qui en arrive à l'essentiel, la conscience du Sens des réalités.
Cette conscience du Sens des réalités est ce qui procure liberté, engage la responsabilité en termes de positions tenues, entraîne l'action de service du bien commun. Le travail de connaissance est en ce Sens (seulement) un service aux personnes, aux communautés, à l'humanité entière.
Ce n'est pas le cas du "savoir" ou connaissance réduite à la collection des représentations qui sont le fruit de la "réflexion", du reflet d'abstractions de l'expérience, réduction formelle de celle-ci qui fige en ses formules le fond des choses et de l'homme et les enferme dans des modèles réflexifs. Comprenons alors la désaffection (dé-affectivité) et l'inopérabilité (dé-factualisation) de ce "savoir" qui tend à s'auto réfléchir dans un "savoir le savoir" de plus en plus abstrait, abstrait de l'humanité: antihumanisme théorique que nos universités promeuvent.
Ne sert pas l'homme non plus cette sorte de connaissance réduite à ce "je sais faire", à ce "comment ça marche" purement factuel qui réduit le monde et l'homme à leur seule valeur instrumentale, utilitaire, à un savoir faire qui dé-subjective l'homme et les affaires humaines et en vient à ne reconnaître que "la nécessité", "le besoin", "la force des choses", "du système, "les lois naturelles" comme justifications.
C'est là l'antihumanisme pratique que trop souvent nos écoles d'apprentissage et professionnelle glorifient. Les hommes n'aiment ni l'un, ni l'autre, ils s'y résignent seulement en s'y réduisant pour souffrir moins de ce qui ampute leur humanité.
Ne parlons pas enfin de cette réduction purement affective d'un "je sais" qui participe d'une pensée magique légitimée par l'émotionnel. L'émotion publique dite opinion publique est entretenue de mystifications planétaires ou culturelles appelées "prises de conscience" et nourries de falsifications auxquelles les médias qui veulent avoir de "l'impact" donne force et étendue et qui sert les vues de pouvoirs politiques, économiques, idéologiques, religieux, militaires. On les voit alimenter la machination falsificatrice en permanence jouant sur cet "effet de certitude" d'une conscience émotionnelle incapable de distinction, d'apprentissage, de représentation rationnelle et bien sûr de discernement;
Les structures de la réalité et le réel
Le temps des réalités virtuelles
La trialectique sujet - objet - projet
Postulats et postures scientifiques mathématiques et pédagogiques
3) L'agir humain
Nous entrons là dans un domaine difficile et particulièrement important.
Important parce que ce sont toutes les activités humaines qui en dépendent et que l'on peut s'attendre à un bouleversement radical de la pensée et des méthodes de l'action dans tous les domaines.
Difficile parce que justement il n'existe guère de praxéologie générale qui nous ait habitué à une pensée générale de l'action de la plus familière à la plus vaste et, en outre nous pouvons dire que l'action est bien souvent ramenée:
- soit au pouvoir, plus ou moins magique
- soit au faire, limité à l'action technique
- soit à quelque modélisation qui se prend parfois pour l'alpha et l'oméga de l'agir.
De ce fait c'est un dépassement des niveaux de maîtrise antérieure et l'accès à l'âge du Sens qui permettent de refonder la pensée et les pratiques de l'agir humain avec l'humanisme méthodologique.
Le terme de méthodologique associé à l'humanisme, dit bien le lien implicite entre la finalité et les modalités opérationnelles indissociables.
Les principes
Agir c'est intervenir dans la réalité pour la changer, la transformer.
Or ignorant que la source de toute réalité est l'expérience réalisatrice, l'actualisation de Sens en ConSensus, alors on ne peut que postuler ce qui serait cause dans la réalité pour agir dessus. Le plus souvent d'ailleurs ceci n'est l'objet d'aucune analyse soit du côté des causes soit du côté de l'intervention humaine sur ces causes.
Le niveau empirique se contente de constater: "si on fait ceci, dans telles conditions, alors on obtient cela". De là une pratique aveugle sur les causes mais qui peut être néanmoins habile dans son champ d'efficacité. L'humanisme méthodologique nous invite à une autre analyse.
Intervenir dans la réalité, c'est intervenir dans le processus de "réalisation", dans l'expérience humaine. Cela suppose donc intervenir sur le conSensus de la réalité où agir.
Dés lors les variables de l'action se ramènent à:
- sur quelle Cohérence ou problématique humaine se disposer? Une pratique de centration le permettra,
- dans quel Sens engager les choses? Une pratique de discernement y contribuera,
- sur quel consensus agir? Une pratique d'intervention sur un collectif ou une communauté humaine sera nécessaire.
Nous pouvons alors mettre en évidence trois moments de l'action:
- celui qui va permettre de prendre une position orientée vis-à-vis de la réalité sur laquelle agir: Cohérence et Sens à tenir,
- celui qui va consister à activer un conSensus de façon à ce que son actualisation se manifeste comme réalité nouvelle,
- celui qui consiste à travailler le conSensus donc à le faire évoluer vers ce que l'on en souhaite et donc envisager l'action comme processus d'appropriation collective, de réalisation progressive, de changement, de conversion, etc.
Le premier moment, celui de la prise de position orientée nous incite à penser qu'un travail personnel est nécessaire. Une personne en son Instance doit trouver et tenir une position de Sens dans une Cohérence.
Cela évoque directement la question de la capacité de maîtrise pour le faire et aussi la question de l'autorité et la responsabilité pour l'assumer.
Avec l'humanisme méthodologique, nous ne serons pas confronté d'abord à une question d'outil ou de mécanisme mais à une question de maîtrise, de responsabilité. Heureusement que les hommes malgré leurs aveuglements, ont découvert depuis longtemps quelques principes, même si beaucoup en ignorent ou en contestent l'intérêt, surtout s'ils sont animés de motivations régressives.
Dirigeants, responsables, professionnels dans tous domaines et à tous niveaux ont à tenir ce rôle d'évidence à l'âge du Sens, lorsque la poursuite du Sens du bien commun est le critère de toute action.
Poser les problèmes c'est déjà désigner une réalité où agir. Cela invite à se centrer intérieurement sur cette réalité, la faire sienne dans le partage d'un conSensus initial et donc se retrouver positionné en son Instance sur la problématique sous-jascente.
Cela demande déjà une attitude "d'écoute", que la recherche intérieure de ce qui anime les autres, du conSensus dont la réalité fait problème (ou projet). Consensus de proximité s'il s'agit de "problèmes personnels", consensus culturel communautaire s'il s'agit des problèmes d'une organisation, d'une communauté qui peut être de grande taille, consensus universel s'il s'agit d'une question qui concerne l'humanité... de tous les hommes. On voit bien que l'approche sera alors différente.
A cette attitude d'approche, d'écoute on peut opposer celle là qui consiste à envisager le problème des autres du point de vue de sa propre problématique familière. C'est une attitude de non considération qui pose des problèmes éthiques et pratiques. Sont disqualifiées ici les prétentions technocratiques de ceux qui font les questions et les réponses à la place des autres, ramenés au stade de mineurs et même plutôt d'objets ou d'individualités impersonnelles.
L'éthique de la considération est un préalable à l'action responsable, c'est-à-dire qui agit sur la réalité commune et à plus forte raison qui sert le bien commun. Il y a là les bases d'une refondation de la légitimité de toute responsabilité et de tout exercice d'un quelconque professionnalisme.
Il faut poursuivre l'analyse par la question du discernement des Sens de la situation du problème et au bout du compte de la problématique humaine sous-jascente.
Ce discernement aidera d'un côté à élucider les Sens à l'oeuvre dans le consensus et donc dans la réalité en problème, d'un autre côté à repérer le meilleur Sens celui de la résolution de la problématique donc celui qu'il est humainement favorable de cultiver (sens d'accomplissement). On peut aussi malheureusement se servir des problèmes pour aliéner les autres, les rendre dépendants plutôt que de les aider à les résoudre. Cela revient ainsi à repérer ce qui est potentiel, source de virtualités sur quoi prendre appui pour engager l'action.
On peut dire à ce stade qu'il importe pour l'action de toujours cultiver le meilleur Sens et de ne jamais "entrer en lutte" contre d'autres Sens, ce qui reviendrait à leur donner conSensus maladroitement si le discernement des autres n'est pas assuré.
Évaluer le niveau de maîtrise des personnes ou communautés humaines dans ce Sens là permettra aussi de choisir plus tard comment aborder la situation.
Cependant ce qui reste d'essentiel c'est la détermination, la tenue d'une position: Cohérence (problématique) et Sens (disposition prise). C'est l'acte même d'autorité qui a du s'appuyer sur la maîtrise et la responsabilité. C'est un acte de liberté et d'engagement personnel, souvent solitaire, que de se poser ainsi pour solliciter le consensus des autres c'est-à-dire agir dans ce Sens.
Nous soulignons que toute position d'autorité, de responsabilité et de maîtrise se justifie ici dans ce premier moment de l'action humaine où le rapport aux autres est engagé.
Le deuxième moment est celui où on se demande comment agir sur la réalité pour la transformer. Il est possible de considérer la réalité finale comme l'actualisation d'un Sens, d'une Cohérence en conSensus. L'actualisation est ce processus par lequel le conSensus est source de l'expérience réalisatrice. En tant que tel il la déploie selon les dimensions et composantes que l'on connaît (cohérenciel) en même temps qu'il donne cette impulsion de déploiement, constituant la "source énergétique" de la réalité en question.
A l'inverse cela présuppose que ce soit constitué ce conSensus à partir des Sens des Instances en relation. Cela revient à dire que ces Sens sont activés en se trouvant en conSensus. L'activation des Sens en consensus précède l'actualisation des mêmes Sens en consensus formant l'expérience réalisatrice, la réalité. Par ailleurs toute réalité est porteuse de Sens en consensus susceptibles d'activer ces mêmes Sens pour d'autres Instances. De ce fait on peut concevoir l'artifice suivant. Une pratique (méthode, technique, opération...) active un conSensus dont l'actualisation s'exprime dans une réalité commune (réalisation recherchée). On pense bien alors que la pratique est une réalité qui est elle même l'actualisation de Sens en conSensus.
De ce fait on peut lire les processus de l'action sur le plan du Sens des Instances comme un effet d'influence, d'animation, d'extension de conSensus à partir de l'initiative de quelqu'un ou quelques uns. Sur le plan des réalités, surtout si on en ignore le Sens, tout se passe comme si la réalité-pratique était la cause de la réalité-résultat.
Nous voyons là comment peut se construire une théorie et une pratique de l'action dotées d'un volet portant sur des artifices dans la réalité et d'un autre volet portant sur ce qui se joue et se passe à la source, Sens et conSensus.
Ceci peut se schématiser ainsi.
Un Sens (dans une cohérence) s'actualise dans une réalité-action (expression, méthode, opération, scénario, etc...). Cette réalité-action active la même Cohérence et le même Sens pour d'autres visant à en étendre le consensus. Cette activation pour les autres s'actualise alors dans une réalité-réponse-résultat.
On comprend aisément trois phénomènes:
- La réponse-résultat peut servir de régulation du consensus initié et si quelque maîtrise est exercée là alors un réajustement permettra d'approcher du résultat espéré.
- On voit la place et le rôle de maîtrise professionnelle pour tenir le bon conSensus sinon très vite d'autres influences vont faire diverger le processus (non maîtrisé).
- On devine que la position à priori de ceux qui sont visés par l'extension du conSensus peut faciliter ou non cette extension et donc la réalisation attendue. Sur ce dernier point le troisième moment apportera des éclairages.
A ce stade il y a encore deux observations capitales à faire.
La première c'est que ce schéma de l'action est aussi un schéma de toute communication, communication de Sens au travers de médiations existentielles. C'est là un fait capital à l'âge du Sens. Toute communication est action et toute action est communication. Gageons qu'un "agir communicationnel" y trouvera son compte. Cela renvoie aussi à des questions de maîtrise et de responsabilité.
La seconde est le fait que c'est la réalité actualisée qui semble activer le Sens du consensus au travers de ses différentes dimensions et composantes. Cela implique que toute opération, toute pratique maîtrisée, doit intégrer l'ensemble de ces dimensions et composantes même si elle privilégie telle ou telle. Cela implique aussi que toute réalisation-résultat doit s'appréhender et même s'évaluer dans toutes ses dimensions et composantes. Dans certains milieux économiques on parle de la "gestion de l'immatériel". Il s'agit sans doute d'un renversement de perspective d'un matérialisme exacerbé et d'un pragmatisme peu éclairé qui régnait antérieurement.
A lire : Sens de la gestion
Le troisième moment est celui où on considère le travail sur le consensus des autres et donc le processus d'évolution et de transformation de la réalité par ce travail même.
On fera un parallèle entre ce qui se passe dans la réalité (d'expérience commune) et ce qui se joue dans le consensus et qui s'actualise dans cette réalité comme transformation.
Prenons les deux dimensions premières de la réalité. La variable intentionnelle est celle du Sens.
Nous pouvons avoir là comme question le changement ou le repérage d'un Sens déterminé. L'action est alors comme une action de "communication" par l'activation du Sens au travers de repères symboliques, en général repères d'autorité, pour qu'ils soient crédibles et efficients. La question du changement de Sens peut s'associer soit à une dispersion soit à la dominance d'un autre Sens.
Le changement de Sens dans un groupe, une communauté (et donc les personnes qui y participent) est des plus délicat. En effet, pour qui n'a pas conscience du Sens, changer de Sens c'est mettre en question la réalité actualisant le ou les Sens habituels et auxquels les intéressés se sont plus ou moins identifiés. Leur individualité est alors partie prenante de cette réalité, leur identité et tout ce qu'ils reconnaissent comme valeur et stabilité de soi. Changer de Sens, c'est aller vers l'effondrement de cette expérience qui peut être vécue comme aussi menaçante que la mort. Il est vrai que ce le sera d'autant plus qu'il y aura eu attachement fondamental à une dimension de la réalité : les affects, la corporéïté, les représentations de soi le tout étroitement inscrit dans l'environnement mis en question.
Il faut connaître cela pour en deviner tout de suite que la construction d'une réalité nouvelle dans un nouveau Sens doit précéder toute mise en question des réalités anciennes. C'est fort de nouvelles identifications, de nouvelles situations que les anciennes réalités pourront être "lâchées".
L'expérience du changement collectif montre à l'évidence comment les uns après les autres s'inscrivent dans une réalité de nouveau Sens et laissent se "dissoudre" les réalités anciennes.
Il faut des populations d'une maturité suffisante pour assurer prématurément les remises en question avant d'avoir bâti les nouvelles conditions d'existence.
Appliquons le à un pays qui a identifié la réalité aux formes, modèles et représentations sacralisées sous les auspices de la Raison. Ce pays est d'autant plus irréformable que les formes deviennent la seule réalité identificatoire et même auto-référente (coupure d'avec les plans factuels et affectifs, régression factuelle et affective des comportements non formalisés).
Cependant nous voyons là que réformer est la plus mauvaise méthode. Il faut créer de nouvelles réalités, de nouveaux Sens jusqu'à ce que cela soit attractif pour le plus grand nombre et que cela dissolve ou épuise les consensus anciens Évidemment les méthodes formelles de conception de l'action sont incapables de penser cela et donc de le faire.
Une autre variable de la réalité c'est le changement des "conditions objectives" facteurs et acteurs, objets symptomatiques de l'altérité dans le consensus, de la présence des autres, aléatoire. Il y a une approche consistant à penser ces conditions comme un état figé se traduisant par une réalité partagée aussi figée.
Le "changement d'état" au niveau des conditions, se fait par une rupture qui peut être vécue durement, moins que celle qui met en question les sujets, mais suffisamment pour dé-ranger conforts, habitudes, postures et identifications mineures.
L'action ne met pas en question le Sens en consensus mais le partage de ce Sens qui change les conditions. La bonne méthode est dans celle du partage que l'on peut appeler concertation. Si les parties prenantes sont appelées dans les mêmes consensus mais avec des conditions nouvelles à réactualiser leur environnement, leurs réalités, alors le changement se fera aisément et "l'appropriation" aussi.
L'appropriation c'est l'élaboration d'une réalité nouvelle bien adaptée notamment aux nouvelles conditions mais c'est aussi faire de cette réalité une réalité propre à laquelle les personnes et les groupes peuvent s'identifier.
Il y a encore à considérer que les conditions dans un monde humain non figé sont changeantes et même aléatoires, c'est-à-dire objectivement imprévisibles.
Le changement là ne peut se faire par opérations banales d'appropriation mais par une sorte d'appropriation permanente considérant que le changement aléatoire fait partie des conditions même de la réalité.
Alors c'est la structure de maîtrise qui peut l'assumer. Il faut un niveau de maîtrise suffisant pour tenir d'un côté le Sens (politique) et le traduire en fonction des circonstances infiniment diversifiées et aléatoire. Une structure hiérarchique et une définition des compétences comme ayant à leur niveau (d'évolution et de maîtrise) à intégrer cette variation constante de la réalité en cessant de se fixer sur des fausses stabilités. Ce qui est stable en effet c'est ici le Sens et l'intentionnalité personnelle et collective qui l'exprime. Les nouvelles structures virtuelles sont fondées sur ce principe où ce ne sont plus les cadres géographiques, juridiques, matériels, factuels qui fonde la réalité.
Là où on commence à s'intéresser à l'immatériel au-delà du matériel familier, on aura à découvrir que le stable est du côté de l'immatériel, la détermination des sujets.
Envisageons le troisième type de changement, l'évolution des situations dans un Sens de réalisation et de plus grande maîtrise.
Nous nous situons maintenant sur l'axe de l'historicité, du développement. Si nous nous trouvons engagés dans un Sens du bien commun, dans des conditions nouvelles actuelles ou futures (prospective ou projet par exemple) alors le changement est progression. Progression vers un but ou différents buts hiérarchisés. Nous avons alors à considérer deux séquences.
- Celle d'abord d'un processus de réalisation progressive dont nous reverrons les phases et les étapes comme démarche méthodologique pour l'action.
- Celle ensuite d'un processus de maîtrise que nous connaissons maintenant comme un processus de progression dans le niveau de maîtrise donc de connaissances comme de compétences.
Le changement collectif est alors une progression pédagogique en même temps que la culture d'un chemin d'accomplissement. Il n'est pas exclu que le second précède le premier ou qu'ils s'accompagnent l'un l'autre.
Dans tous les cas il s'agit de cultiver le Sens de l'accomplissement dans la problématique par un processus de développement qui est à la fois réalisation et révélation progressive.
L'action est alors, pour le collectif en consensus, à la fois réalisatrice de son monde et révélatrice d'humanité, vectrice de l'efficacité et de l'accomplissement;
Aucun projet, aucune démarche, aucune activité humaine ne peut être conçue comme exclue de ce processus. Aucune action humaine qui a des buts à réaliser existentiellement parlant ne peut être comprise autrement qu'un parcours d'accomplissement des personnes et des communautés. On trouvera là aussi on le verra le véritable Sens du travail humain. Il n'y a que dans les autres Sens que cette cohérence se défait et qu'action et efficacité se dissocient des valeurs d'accomplissement humain, y compris dans l'art, bien sûr.
A lire : Le travail humain
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